Au-dessus de l’Aïr

Thomas Pesquet nous offre cette vue prise depuis un hublot de Resilience amarré à l’ISS, en la postant sur les réseaux sociaux avec le commentaire suivant : “Cette vue va me manquer : c’est Endeavour, le Crew Dragon qui nous a emmené dans l’espace. Pas d’inquiétude, il ne s’en va pas ! Chaque équipage décolle et revient sur Terre à bord du même vaisseau. Il reste amarré à la Station spatiale pendant toute la durée de l’expédition. Si quelque chose devait nous forcer à partir plus tôt que prévu, il serait prêt. Vaisseau spatial et radeau de sauvetage en même temps. Non, ce qui va me manquer, c’est le joli point de vue que nous offrait Resilience, le vaisseau du Crew-1 : en étant amarré au Zenith, du côté opposé à la Terre, sa fenêtre donnait directement sur Endeavour. Idéal pour faire des photos”.

L’image a été prise le 30 avril à 10h25, à l’aide d’un Nikon D5 muni d’un objectif de 24 mm ouvert à 18. Le Nord se situe vers 8 heures.

Nous sommes au-dessus du Niger, à la frontière avec le Sud de l’Algérie. A gauche mais hors du champ, c’est le Ténéré puis, le Tchad bien visible. Au fond, on aperçoit très bien le lac Tchad et N’Djamena, puis le Cameroun et le Nigeria. Vers la droite, mais hors du champ, le Bénin, le Burkina Faso et le Mali. On devine le Golfe de Guinée perdu dans les nuages et près du limbe terrestre…

Au premier plan, la capsule Endeavour qui cache une merveille du désert au Niger : le massif montagneux de l’Aïr dont on ne voit que quelques éléments du relief. C’est un vaste plateau granitique d’altitude de 70.000 km² environ, composé de nombreuses vallées, de falaises, de plaines et de nombreux édifices volcaniques anciens et plus ou moins circulaires dont les monts Bagzane et le point culminant du pays, le mont Indoukat-n-Taglès (2022 m). L’ensemble est un paradis pour les géologues du fait d’une histoire géologique assez riche… Ici le climat est de type montagnard tropical désertique et aride : du fait de l’altitude, les températures sont généralement plus basses que dans la plaine environnante et les précipitations variables mais limitées.

Quant au lac Tchad qui se détache dans le fond du cliché, c’est un lac endoréique vestige d’une immense mer intérieure aujourd’hui presque totalement disparue. Ses eaux ne se jettent pas dans un océan mais restent retenues dans son bassin. Ainsi pluies et ruissellements qui l’alimentent ne peuvent quitter le lac autrement que par l’évaporation, les infiltrations et les captations humaines massives, qu’elles soient agricoles ou industrielles.
Ses eaux sont douces (ce qui est rare pour un lac endoréique) et il est peu profond. Malheureusement, le lac Tchad est en train de disparaître au fil des décennies suite à des stratégies et politiques court-termistes dont nous aurons l’occasion de reparler si Thomas photographie ce lac qui fut l’un des dix plus grands du monde dans les années 60…

Gilles Dawidowicz, président de la Commission de Planétologie

Crédits : ESA/NASA–T. Pesquet

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