Mars sur Terre ? Non, le Trou au Natron !
Thomas Pesquet nous propose une nouvelle photographie de la Terre prise depuis l’ISS, en postant sur les réseaux sociaux ce cliché avec le commentaire suivant : “ Lors d’un passage somme toute assez banal au-dessus de l’immensité du Sahara, je me suis cru sur Mars !! Pas un nuage, du rouge et de l’ocre à perte de vue… on s’y croirait, un peu comme Perseverance en ce moment avec son hélicoptère embarqué. Un immense bravo à la NASA qui a fait voler récemment le premier drone sur Mars ! Le bruit de ses hélices a été enregistré par la caméra super-polyvalente SuperCam du rover. Un instrument français fourni par l’IRAP @cnrs avec le soutien du CNES. L’exploration spatiale robotique et habitée sont les deux branches d’une même ambition profondément humaine : celle qui nous pousse à explorer toujours plus loin “.
L’image a été prise le 1er mai à 09h40, à l’aide d’un Nikon D5 muni d’un objectif de 35 mm ouvert à 8. Le Nord se situe vers 07 heures.
Nous sommes dans le Sahara central, précisément au-dessus du Nord du Tchad, du Sud de la Libye et l’on aperçoit sur la gauche de l’image, au limbe terrestre, les frontières occidentales de l’Egypte et du Soudan. L’angle de cette photographie n’est pas habituel et la région fait en effet penser à un paysage de la planète rouge. Pourtant, il n’en est rien : ici mis à part le caractère désertique de cette région du Sahara, les températures diurnes et nocturnes n’ont rien à voir avec celles de Mars. Et bien qu’irrégulières, les précipitations pluvieuses peuvent être intenses et sont en grande partie influencées par le choc entre l’Harmattan (un alizé continental du Nord-Ouest, très chaud le jour, plus froid la nuit et très sec), et les oscillations de la zone de convergence intertropicale qui vient du Sud, accompagnée de la mousson. Selon qui remporte la manche, les périodes de sécheresse se succèdent les unes après les autres, pour au final avoir en moyenne moins de 20 mm de précipitations par an sur l’ensemble du massif. Enfin et surtout, on y trouve comme partout ailleurs sur Terre, une biosphère. Bref, cette région du globe est loin d’être un analogue martien, une notion de plus en plus douteuse…
Mais revenons au cliché de Thomas Pesquet. La grande zone sombre qui occupe ¼ de la photographie est le massif montagneux du Tibesti. En effet, le Sahara est loin d’être un désert plat et monotone, recouvert de champs de dunes ou de champs de pierres uniquement. Ce sont en fait de très nombreux et différents paysages que le plus grand désert terrestre offre aux voyageurs. D’ailleurs, le Tibesti est en partie un massif volcanique composé notamment de 5 splendides volcans boucliers tous bien visibles sur le cliché. Ainsi, on repère facilement l’Emi Koussi (au centre de l’image et sur la marge du massif), le Tarso Toon, le Tarso Voon et le Tarso Yega (au centre du massif) et le Tarso Toussidé (visible sur le côté droite de l’image). Notez que le point culminant du Tibesti est le très beau Emi Koussi qui atteint 3415 m d’altitude, ce qui en fait le plus haut sommet du Sahara. Une grande partie de la zone est faite d’anciennes coulées de laves qui ont formé de vastes plateaux, mais également de profondes gorges et de gueltas.
Et parmi les formations les plus remarquables de la région, une est très bien visible sur le cliché de Thomas Pesquet : le Trou au Natron qui apparaît comme une tache blanche au milieu de ce paysage ocre. Le Trou au Natron, se trouve sur la caldeira sommitale (le cratère volcanique) du Tarso Toussidé, à l’extrếmite orientale du massif (sur le bord droite du cliché). Cette caldeira culmine à 3265 m d’altitude au pic Toussidé, recouvert de coulées de lave sur 200 km² et toujours en activité, laissant quelques fumerolles et vapeurs s’échapper des entrailles du volcan. Son nom provient du natron, une roche évaporitique et un minéral : le carbonate de sodium.
Gilles Dawidowicz, président de la Commission de Planétologie
Crédits : ESA/NASA–T. Pesquet
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