Cher Albert Ducrocq,
J’avais neuf ans et l’opération des amygdales s’imposait. A l’époque, ce n’était pas une sinécure car l‘endormissement par l’éther nous rendait vaseux, mal à l’aise. L’horreur ! En plus des crèmes glacées que je devais – sans déplaisir, avouons-le – ingurgiter pour décongestionner les chairs, Maman eut l’idée de m’apporter un livre bleu qui me sembla énorme ; si lourd que je devais le poser à côté de moi sur l’oreiller pour le lire. Il s’agissait de « De la Terre à la Lune » de Jules Verne. Ce fut une découverte pour moi : de Jules Verne, bien sûr, mais surtout du thème qui m’ouvrit un espace, espace déjà entrouvert par la lecture du Petit prince…
A dix ans, je lisais beaucoup et j’avais le droit aux Tintin, pas aux autres BD. Hergé, avec son : « On a marché sur la Lune » concrétisa l’imaginaire qui me tenaillait.
Alors, tout naturellement, vers onze ou douze ans – les années 57, 58… –, avec mes copains de cinquième, synthèse neuronale involontaire, il me sembla tout à fait normal de créer avec eux un « Club interplanétaire ». Nous dessinâmes, la copie conforme de la fameuse fusée rouge et blanche, en balsa et tôle d’aluminium : elle nous en imposait avec ses 80 cm ! Nous cherchâmes le combustible ad hoc… Sans connaissance aucune, nous détournâmes des produits chimiques familiaux, complétés par des emprunts discrets du laboratoire scolaire ; notre prof de chimie semblait parfois dubitatif quant à certaines des questions que nous lui posions… Seuls le hasard et la chance, il faut bien l’avouer, nous permirent de conserver nos doigts surtout et toute notre intégrité physique ! Par contre, le mur de la pharmacie en construction, proche de nos classes, se souvient de nos essais désastreux. Pendant quelques semaines, nous n’osâmes regarder du côté de la fente qui béait, attirant les questions, j’imagine, des ouvriers en place. Nous sentîmes très vite qu’il nous fallait lire, apprendre, découvrir ces monceaux de connaissances scientifiques qui nous manquaient et nos notes montrèrent par la suite, qu’avec bonheur et sérieux, nous nous étions attachés à combler ces lacunes abyssales.
Quelques années plus tard, lorsque l’un d’entre nous découvrit vos émissions sur Europe n°1, cher Albert, nous devînmes si assidus, si addicts qu’elles devinrent notre priorité et, sans conteste : la colonne vertébrale de nos études supérieures ultérieures ! Sur cette radio périphérique, cumuler « Salut les copains » et Ducrocq, nous comblait !! Personnellement, est-ce votre « renard électronique » qui me séduisit le plus ? vos très nombreuses publications ? ou vos émissions radiophoniques ? Je ne sais, mais toujours est-il que l’essence même de mes recherches et des cours que j’ai professés pendant toute ma carrière tournèrent autour de l’automatique et des automatismes devenus pour moi, une vraie passion !
Alors, oui : merci Monsieur Ducrocq ! Votre influence, vos compétences dirigèrent ma vie de façon efficace et passionnante et, encore aujourd’hui, vous inspirez ma retraite lorsque j’organise des conférences scientifiques au sein de l’Université Inter-Âges de Melun, dont je préside la Commission pédagogique, ou lorsque je relis avec sérieux, les livres que mes amis passionnés écrivent sur l’astronautique.
Merci ! Et, merci encore !!
Jean-Jacques Vurpillot
Crédit photo : PFM