SOCIÉTÉ ASTRONOMIQUE DE FRANCE
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Communiqué de presse
Notre ami Hubert Reeves nous a quittés
Crédit : Société astronomique de France
C’est avec une profonde et grande tristesse que nous avons appris le décès de Hubert Reeves survenu ce vendredi 13 octobre à Paris. Hubert Reeves avait 91 ans.
Avec sa silhouette de druide et son accent québécois reconnaissable entre tous, Hubert Reeves incarnait depuis de nombreuses décennies – et finalement dans nos cœurs depuis toujours -, l’étude du cosmos dans toute sa splendeur et l’amour de la Terre, seule source de vie connue dans l’Univers.
De la physique théorique…
L’astrophysicien né à Montréal en 1932, grandi sur les rives du lac Saint-Louis. Bon en mathématiques, amoureux du ciel nocturne et doté d’un sens aiguisé de l’observation de la nature, il se dirige vers des études de physique à l’Université de Montréal (1953), à l’université McGill (1955) puis poursuit à l’université Cornell aux Etats-Unis. Là, en 1960, il soutient sa thèse sous la direction de l’astrophysicien américain Edwin Salpeter, rendu célèbre par ses explications sur la transformation stellaire de l’hélium en carbone via la réaction triple alpha et plus tard, par l’équation relativiste de Bethe–Salpeter qui détermine les états liés de deux particules. A Cornell, Hubert Reeves côtoie de nombreux physiciens et cosmologistes de renom, comme George Gamow, Richard Feynman, Fred Hoyle, Philip Morrison… Hubert devient à son tour un expert du sujet et remonte aux confins de l’histoire de l’Univers pour tenter d’en comprendre les secrets, ceux de la matière, des forces et de l’énergie. Il étudie en particulier trois éléments légers, que sont le lithium, le béryllium et le bore. Il démontre que ces éléments sont créés lorsque des rayons cosmiques de haute énergie brisent des noyaux de carbone, d’oxygène ou d’azote présents dans l’espace.
Très vite Hubert ressent le besoin de transmettre ses connaissances, une passion sûrement héritée de sa grand-mère. D’abord aux étudiants, à qui il enseigne la recherche scientifique en physique et en astrophysique nucléaire à Montréal, puis à Bruxelles. Il est également conseiller scientifique à la NASA. Puis il enseigne à de nombreux chercheurs et professeurs, qui œuvrent dans des universités à la création de laboratoires de recherches spatiales. C’est finalement en France qu’il s’établit pour la suite de sa trajectoire professionnelle et familiale, où il devient directeur de recherche au CNRS et conseiller scientifique au CEA. Il dirige plusieurs thèses dont celle de Jean Audouze.
… à la vulgarisation scientifique
Au début des années 70, Hubert commence à transmettre sa passion des étoiles au grand public, d’abord à de petites assemblées. Ses talents de conteur, son verbe, la précision de son discours, sa verve et son humour conquièrent ses auditoires, subjugués par sa poésie, emportés par son lyrisme, envoûtés par le timbre de sa voix et ses vastes connaissances mises à la portée de toutes et tous.
C’est au début des années 80 que sa notoriété publique bascule, et que Hubert devient une véritable star médiatique avec la publication de son best seller : Patience dans l’azur (1981, éditions Le Seuil), révélé par Bernard Pivot lors de son émission télévisuelle phare, Apostrophe ! Le grand public découvre un formidable conteur des choses du ciel et du cosmos ! S’enchaînent d’autres succès de librairies comme Poussières d’étoiles (1984, éditions Le Seuil), L’heure de s’enivrer (1986, éditions Le Seuil) ou Malicorne (1990, éditions Le Seuil). Avec un sens de la formule éclatant ou percutant, Hubert Reeves reprend par exemple un passage d’une lettre reçue d’une lectrice de son premier ouvrage et qu’il met en exergue : « On m’a dit : Tu n’es que cendres et poussières. On a oublié de me dire qu’il s’agissait de poussières d’étoiles. » Le grand public prend alors conscience que tous les atomes présents sur Terre proviennent de l’intérieur des étoiles… et que nous sommes filles et fils du cosmos !
Comme en écho à Maslow, Hubert formule le concept de la pyramide de la complexité, décrivant la complexification de l’Univers depuis le Big Bang jusqu’à nos jours.
Dans les années 2000, Hubert prend peu à peu des positions plus politiques, animé par un humanisme et un pacifisme chevillés au corps et une pensée écologiste. Il s’inquiète de la prolifération des armes nucléaires mais aussi des atteintes et des pressions que l’humanité fait subir aux écosystèmes de notre planète. Il milite à la Ligue ROC et s’oppose à la chasse, puis transforme l’association en la renommant Humanité et Biodiversité. Dans son livre Je n’aurai pas le temps (2008, éditions Le Seuil), Hubert assurait qu’on pouvait voir l’astronomie et l’écologie « comme deux volets du même thème : notre existence. L’astronomie, en nous racontant l’histoire de l’Univers, nous dit d’où nous venons, comment nous en sommes venus à être ici aujourd’hui. L’écologie, en nous faisant prendre conscience des menaces qui pèsent sur notre avenir, a pour but de nous dire comment y rester. »
Fidèle compagnon de la Société astronomique de France, Hubert était titulaire de très nombreux prix et distinctions. Il a notamment reçu le prix international d’astronomie Jules Janssen en 2019 et nous avait ravis par une conférence magistrale dont il avait le secret. Il était également Commandeur de la Légion d’honneur, Grand Officier de l’Ordre national du mérite, et Grand Officier de l’Ordre national du Québec.
Amical, humble, généreux et infatigable, Hubert Reeves restera un modèle de sagesse, pour toutes et tous, et aura été parmi les premiers scientifiques lanceurs d’alerte sur la 6è extinction de masse, en cours actuellement, une situation qui l’inquiétait au plus haut point.
La Société astronomique de France s’associe toute entière à la peine de sa famille et de ses proches.
Paris, le 13 octobre 2023
Professeur Sylvain Bouley
Le Président de la Société astronomique de France
FONDÉE EN 1887. RECONNUE D’UTILITÉ PUBLIQUE EN 1897. AGRÉÉE ASSOCIATION NATIONALE DE JEUNESSE ET D’ÉDUCATION POPULAIRE.