LES LUNES DE SATURNE RÉVÉLÉES PAR CASSINI
Réunion de la commission de planétologie du 19 janvier 2019
Léa Bonnefoy est doctorante au LESIA (Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique) et au LATMOS (Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales), tous deux dépendant de l’Observatoire de Paris-Meudon. Elle est en poste au site de Jussieu. Sa thèse : les satellites de Saturne.
Elle nous parle ce soir, non pas de tous les satellites, ni des anneaux, mais de certains satellites caractéristiques.
À propos de Saturne, on se rappelle que c’est Galilée, qui le premier voit les anneaux de Saturne et ne comprend pas. Ce sera Christian Huygens qui trouvera l’explication des anneaux. Il découvre aussi le plus gros satellite de Saturne : Titan. Mais il faudra attendre Jean-Dominique Cassini pour découvrir de nombreux autres satellites comme : Japet, Rhéa, Téthys, Dioné. Les prochaines découvertes seront l’œuvre de W. Herschel qui découvre Mimas et Encelade. Lassell et Bond découvrent Hypérion et plus tard Pickering, Phoébé.
À la fin du XXème siècle, on connaissait moins d’une vingtaine de satellites. Mais grâce aux missions spatiales comme les Voyager ou Cassini et à l’amélioration des systèmes optiques (adaptatives), à ce jour Saturne compte plus de 60 satellites naturels. Cassini-Huygens a été lancé en 1997 pour un voyage de 7 ans vers Saturne qu’il atteint en 2004. Énorme succès de cette mission qui se termine par une précipitation dans l’atmosphère de la planète géante en 2017. La sonde Cassini nous a permis de découvrir le nouveau monde des satellites de Saturne.
Les satellites lointains
Le premier rencontré par Cassini, et il ne le reverra plus (il est trop loin de Saturne) c’est Phoebé. Phoebé est un astéroïde très ancien et cratérisé. Il tourne de façon rétrograde autour de Saturne ; c’est très probablement un corps capturé.
Japet est très mystérieux. Ses deux faces sont très différentes, l’une très brillante l’autre très sombre. C’est le plus fort contraste en albédo du Système solaire. Une face a peut-être été frappée par des particules provenant d’un hypothétique anneau de Phoebé. De plus, le bourrelet équatorial (20 km de haut) n’est pas expliqué clairement. Hypérion : la pierre ponce du système solaire. Densité faible, surface poreuse. Orbite chaotique, est-ce le résultat d’une collision ?
Les satellites proches
Les satellites proches de Saturne, sont tous synchrones, phénomène dû aux effets de marée importants. Ils sont différentiés et presque sphériques. Ils sont brillants. Ce sont tous des satellites glacés (50% glace, le reste : roches).
Mimas, ressemble à l’étoile de la mort de Star wars, on pense que ce satellite possède un océan interne d’eau liquide. Sur Téthys, on détecte des traces rougeâtres, dont on ne connait pas l’origine. Dioné, une fracture semble balafrer sa surface. Rhéa possède d’étranges traces bleues à sa surface dont l’origine est inconnue.
Encelade est en résonance 2:1 avec Dioné. Il y subit des forces de marée qui chauffent son intérieur, ce qui fait que son océan interne peut rester liquide. Évidemment cette lune glacée est la plus intéressante. En effet, Cassini y a découvert des phénomènes intéressants.
Le pôle Sud est marqué par ce que l’on a appelé des griffures de tigre. Par ces griffures des geysers d’eau salée s’échappent dans l’espace. Cassini est passé plusieurs fois dans ce panache et en a déduit sa composition. Elle est similaire à celle des comètes d’après les spécialistes. C’est l’instrument INMS (Ion and Neutral Mass Spectrometer) de la sonde qui a effectué les mesures.
Les jets d’Encelade interagissent avec la magnétosphère de Saturne, créant une empreinte aurorale. Dans ces geysers, on a détecté : NaCl, CO2, CH4, NH3, H2 et molécules organiques, mais bien entendu le composant principal c’est la glace. Les particules s’échappant des geysers (glace) donnent naissance à l’anneau E. Les satellites proches d’Encelade sont recouverts de cette neige brillante de particules. Encelade serait un monde habitable.
Comme le signale Léa Bonnefoy, on note une interaction entre ces divers satellites, par exemple :
- Les particules de l’anneau E (glace d’eau très brillante) retombent sur la face avant de Téthys, Dioné, et Rhéa, mais sur la face arrière de Mimas.
- Des électrons haute-énergie, dans les ceintures de radiation de la magnétosphère de Saturne, modifient la face avant de Mimas et Téthys.
- Des particules fines absorbantes courantes dans le système de Saturne vont plus vite que les satellites, et couvrent donc la face arrière.
La limite de Roche : un phénomène qui touche tous les satellites proches de leur planète. Si un corps se trouve proche d’un autre corps beaucoup plus lourd que lui (un satellite par rapport à sa planète), les forces de marée différentielles vont s’exercer sur les faces avant et arrière. Elles seront de force différente, la face avant sera plus attirée que la face arrière. Ces forces vont avoir tendance à briser l’objet le plus petit. La position de cette limite (découverte par le mathématicien français Édouard Roche) se trouve approximativement à 2,5 rayons du corps le plus imposant. Dans le cas de Saturne, cette limite se trouve là où se situe l’anneau F, ce qui explique qu’il n’existe pas de gros satellites en deçà de cette limite et que tous les anneaux soient situés aussi dans cette limite. Par contre, au-delà, on trouve tous les gros satellites de Saturne et une exception le très ténu anneau E provoqué par Encelade.
Les points de Lagrange de Saturne
On ne peut pas parler des satellites de Saturne sans évoquer les satellites bergers ou gardiens. L’origine des satellites bergers qui confinent un anneau en un anneau très fin, comme c’est le cas de l’anneau F ; tient à l’application des lois de Kepler pour ces tout petits corps.
De même il existe aussi la version du petit corps tout seul entre deux anneaux et qui nettoie complètement l’espace devant lui, comme Daphnée dans la division de Keeler ou Pan dans la division de Encke.
On peut aussi s’intéresser aux satellites co-orbitaux, comme Janus et Épiméthée. Ils partagent la même orbite et se courent après comme expliqué sur cette illustration. Ils échangent d’orbite régulièrement tous les 4 ans. Il existe des satellites encore plus bizarres : ils circulent parmi de très fins arcs de matière, comme Méthone et Anthée. Méthone possède comme ses confrères dans ces arcs, une surface absente de cratères et serait couvert de neige poudreuse.
Conclusion
De nombreuses questions restent posées :
- Quel est l’âge des anneaux ?
- Quel est l’âge et l’origine des satellites de Saturne ?
- Quelle est la durabilité et la variabilité de l’activité sur Encelade ?
- Y a-t-il eu de l’activité récente sur Dioné ?
- Quelle est la nature des contaminants qu’on retrouve dans les anneaux et sur plusieurs lunes ?
- Quelle est l’origine des « traces de peinture rouge » sur Téthys ; et des « taches bleues » sur Rhéa ?
- Quelle est l’origine de la montagne équatoriale de Japet ?
- Pourquoi les satellites glacés sont-ils aussi brillants en Radar ?
Réponses bientôt ?
Cet article est basé sur le compte rendu détaillé de Jean-Pierre Martin, disponible ICI.