Einstein à la SAF au printemps 1922


Crédit : Société astronomique de France

Le 5 avril 1922, Albert Einstein, en visite en France,  a assisté à une séance de la Société astronomique de France à la Sorbonne où il a fait une communication sur la relativité générale. La SAF a conservé dans ses archives l’invitation envoyée à cette occasion à ses membres. Le compte rendu de la séance, publié dans l’Astronomie, nous donne des informations sur le contenu du discours d’Einstein et témoigne de l’accueil enthousiaste qui lui a été réservé par le public venu l’écouter et l’applaudir. Voici quelques extraits de ce compte rendu :

« M. LE PRÉSIDENT est heureux de saluer la présence au bureau du professeur A. EINSTEIN, auteur des Théories de la Relativité. (Applaudissements nombreux et longtemps répétés).»

« Le professeur A. EINSTEIN dit quelques mots des Applications astronomiques de la Relativité. On sait, dit-il, que les planètes décrivent autour du Soleil des ellipses qui paraissaient fixes dans l’espace. Mais, peu à peu, au fur et à mesure de l’augmentation de précision des observations, et de l’action cumulative du temps, on a reconnu qu’il y a une rotation de l’ellipse. C’est Le Verrier, le premier, qui a signalé cette variation du périhélie pour Mercure. On ne pouvait l’expliquer qu’en faisant des hypothèses peu vraisemblables. La Théorie de la Relativité explique d’une manière parfaite ce déplacement de 45″ par siècle du périhélie de la planète Mercure.

La seconde preuve que l’Astronomie pouvait donner de l’exactitude de la Théorie de la Relativité, c’est la vérification de la courbure de la lumière au voisinage des astres.

On a calculé que la déviation de la lumière au voisinage du Soleil est de l’ordre de 1″. C’est la détermination de cette déviation qui a été entreprise par Eddington au cours de l’éclipse de Soleil de mai 1919 et qu’il a pu vérifier.

Les deux preuves précédentes sont relativement sûres. Il y en a une troisième. La Théorie de la Relativité exige que les phénomènes périodiques, par exemple l’oscillation des atomes donnant lieu aux raies spectrales, soit modifiée dans le voisinage des grandes masses. Autrement dit, la couleur des radiations doit être légèrement modifiée dans ce cas ; ainsi les raies spectrales doivent être légèrement déplacées vers le rouge sur le Soleil. Cette conclusion de la Théorie n’a pas encore été complètement vérifiée, car les observateurs ont trouvé des résultats différents.

Ainsi les résultats des expériences de Fabry et Perot et ceux obtenus en Allemagne viennent à l’appui de la Théorie de la Relativité ; mais d’autres expérimentateurs ont obtenu des résultats contraires et les discussions sur cette troisième preuve ne sont pas encore closes.

La Théorie de la Relativité qui a demandé à l’Astronomie de lui fournir des vérifications nécessaires peut, à son tour, lui apporter un précieux concours. En effet, inversement, du déplacement du périhélie d’une orbite ou de la valeur du rayon de courbure de la lumière au voisinage des astres, on pourra déterminer la masse de ces astres. On sait combien est importante la détermination des masses en Astronomie. La relation entre les masses et les distances permet en effet d’entrevoir une action très différente de celle qui résulte de la loi de Newton et ce ne sera pas la moindre des conséquences auxquelles aboutit la Théorie de la Relativité. »

« La communication de M. Einstein a été écoutée dans le plus grand silence, elle est accueillie par des applaudissements qui se prolongent longtemps. »

« LE PRÉSIDENT voudrait adresser ses remerciements à M. Einstein pour les paroles si intéressantes qu’il vient de prononcer. Les applaudissements qui ont suivi la communication ont devancé ses remerciements, ils expriment bien l’intérêt qu’a suscité la belle Théorie créée par le professeur Einstein. (Applaudissements). »

« LE PRÉSIDENT remercie M. Langevin pour cette intéressante communication et adresse, de nouveau, des remerciements à M. Einstein pour avoir fait à la Société astronomique de France l’honneur de venir l’entretenir de questions qui à l’heure actuelle passionnent tous ceux qui pensent et sont avides de progrès. »

Quelques années plus tard, en 1931, la SAF décernait à Albert Einstein son prestigieux Prix Janssen.