Albert Ducrocq, le porte-parole de l’espace passionné d’avenir
J’ai découvert Albert Ducrocq à la fin des années 1970 par ses interventions sur Europe n°1 et en lisant avec passion ses tribunes dans le magazine Air et Cosmos qu’il avait cofondé avec Jean-Marie Riche. Puis vinrent ensuite les livres ; à l’époque, il s’agissait d’A la Recherche d’une vie sur Mars, La Chaîne bleue, Victoire sur l’énergie, etc. Mon acculturation à l’astronautique s’accélérait aussi avec les conférences à la Maison des Centraux. C’est à l’occasion de ces rencontres que l’opération Ciel et Spacelab fut lancée pour valoriser auprès des jeunes le premier vol du laboratoire européen Spacelab à bord de la Navette spatiale. Pour ce concours organisé par Europe n°1 et l’Agence spatiale européenne, j’avais proposé d’illuminer le méridien de Greenwich comme une manifestation symbolique de l’intelligence sur Terre qui prolongeait les Seti Game organisés par Albert Ducrocq. Cette idée fut retenue et réalisée avec l’aide de milliers de bénévoles sous la supervision d’Alain Souchier lors du vol STS-9 de la Navette en novembre 1983. En raison d’une météorologie capricieuse au-dessus de la France, les astronautes eurent des difficultés pour observer les éclairages au sol qui marquaient sur 200 km le méridien de Greenwich et sur 100 km celui de Paris. Il y eut deux retombées importantes : le voyage des participants du concours aux États-Unis (décollage de Columbia au Centre spatial Kennedy, visite de Houston, etc.) et la publication d’un article présenté au Congrès mondial de l’astronautique à Lausanne en 1984. Bien sûr, au moment où il fallait choisir son orientation professionnelle – en réalité son chemin de vie – une telle opération allait davantage me rapprocher de l’astronautique, mais aussi du Cosmos Club de France (C2F) qu’Albert Ducrocq avait décidé de confier aux jeunes participants du concours.
La suite fut une période intense très motivante avec le sentiment pour tous de participer à quelque chose d’original, d’unique et particulièrement en pointe dans les années 1980, et toute cela grâce à Albert Ducrocq. Très vite pour des raisons pratiques, le C2F siégea à la maison, rue Saint-Benoit, au cœur de Saint-Germain des Prés. Albert Ducrocq appréciait l’endroit qui permettait de nous réunir régulièrement provinciaux et parisiens. Pendant quelques années nous y avons préparé des dossiers de presse, des numéros hors-série (pour Science et Avenir), plusieurs opérations (Futuroscope, Archeopolis…), de nombreuses conférences, des visites et des interventions aux salons du Bourget. C’était foisonnant et enrichissant. Albert Ducrocq nous guidait pour rechercher, trier et mettre en forme l’information spatiale (le bulletin de liaison Orbite), mais aussi dans l’organisation d’évènements (agenda, budget, réservation d’emplacement, missions des intervenant, etc.). Pour beaucoup, le C2F fut un lieu d’apprentissage dans divers domaines. Pour ma part, ce fut particulièrement utile.
Par la suite, certains ont suivi leur(s) chemin(s) et d’autres ont pris en charge le C2F. Mais, en ce qui me concerne, je n’ai jamais manqué de lire une tribune du « maître » dans Air et Cosmos, ses ouvrages et ses interventions. Ses prises de position, ses analyses de l’actualité spatiale m’ont souvent guidé dans la vie professionnelle et dans mes travaux d’écriture. Et d’Albert Ducrocq, je retiendrai d’abord une passion intacte jusqu’au bout pour les sciences et techniques et surtout pour l’astronautique. Mais le plus inspirant et le plus marquant était sa foi dans l’avenir et sa confiance dans les Hommes pour continuer à progresser et faire émerger le meilleur.
Philippe Coué