Crédit : Collection CATS
Je ne peux détacher le nom d’Albert Ducrocq de mes souvenirs de jeunesse quand, dans les années 1950, élève au Lycée Marcelin Berthelot (un état que je partageais avec Claude Allègre !), je me surprenais à passer de longs moments à imaginer l’allure du Renard Électronique qui le rendait ultra-célèbre à cette époque. Je n’y comprenais rien mais, dès le 4 octobre 1957, la voix de cette star de la naissante Télévision me permettait en noir et blanc de m’enthousiasmer devant les prouesses des ingénieurs et des chercheurs soviétiques.
Je ne fis sa connaissance que plus tard quand, en 1983, je fus élu Directeur Scientifique de l’ESA. Nos rencontres devinrent ainsi plus fréquentes et remarquablement riches en propos et visions contradictoires. Mais l’honneur et le plaisir de pouvoir parler à ce journaliste enthousiaste et volubile, m’offraient de remarquables occasions de le contredire. Ce fut en général le cas lorsque nous abordions le futur de l’homme dans l’espace et la conquête du Système solaire. A plusieurs reprises, il abordait le sujet qui le passionnait surtout : l’Homme sur Mars ! Je me souviens de nos débats réguliers et de ses refus, à vrai dire de plus en plus atténués, d’accepter ma réponse à ses questions me demandant ce que je pensais d’une telle audace et quand pourrait-elle se matérialiser : « Cher Albert, pas avant 30 ans ! ». Cette réponse était toujours la même à chacune de nos rencontres. Et, s’il pouvait me poser encore la question aujourd’hui, ma réponse serait la même. Il finit par admettre, déçu, qu’il ne verrait jamais l’atterrissage humain sur la planète rouge.
Quel homme remarquable que cet Albert-là, qui a si longtemps bercé mes années de scientifique, d’astronome, de chercheur spatial. Un personnage inoubliable !
Roger-Maurice Bonnet
Ancien directeur des programmes scientifiques à l’Agence spatiale européenne
Président d’honneur de la commission Astronautique et Techniques spatiales de la SAF