Un remarquable professeur
Ahhhh… Le Grand Albert, dont la voix devenait parfois si forte qu’elle saturait les VUmètres lors des conférences que nous organisions à la Société Astronomique de France ! Grâce à Audoin Dollfus, son Président, qui entretenait avec lui de nombreux rapports francs et cordiaux, j’ai pu faire la connaissance d’Albert Ducrocq lorsque j’étais jeune membre de la SAF. J’avais été très marqué par la lecture de son ouvrage « A la recherche d’une vie sur Mars » (Flammarion, 1976) et, ayant reçu l’accréditation « Presse » du Centre NASA LaRC qui gérait la mission Viking sur Mars, puis l’invitation du JPL en 1979 à venir travailler comme étudiant sur la mission, je m’étais alors permis de le contacter et nous avions tout de suite sympathisé.
C’était un personnage exceptionnel à tous les sens du terme, très ouvert et très pédagogue. Il aimait beaucoup « cornaquer » les jeunes qui se passionnaient pour l’exploration spatiale. Chaque fois que je rentrais du JPL, j’allais ainsi le voir et lui livrais les dernières informations et images récoltées par les sondes sur les planètes. Avec la mission Viking bien sûr, mais aussi Voyager qui explorait les planètes géantes. Nous avions alors de longues discussions et j’ai eu ainsi l’honneur de pouvoir être associé comme « petite main », à l’élaboration de certains de ses ouvrages. J’étais un étudiant dont la fougue et l’enthousiasme se devaient d’être canalisés. Ce fut en partie grâce à Albert Ducrocq qui m’a beaucoup appris, en particulier sur les méthodologies pour recouper des informations et vérifier les chiffres, mais aussi sur la logique à suivre et les ordres de grandeur. Il était très exigeant sur le fond comme sur la forme et me demandait souvent de me remettre à l’ouvrage.
Il avait développé un sens très politique des sujets spatiaux, ayant une prescience de ce qui pouvait ou non être réalisable dans l’immédiat ou qui serait immanquablement reporté. Il connaissait bien tous les rouages des administrations spatiales avec leurs qualités et leurs défauts et il m’a appris comment discerner dans la publication des chiffres budgétaires (surtout aux Etats-Unis, où ils sont tous rendus publics) les grandes orientations à venir et les défis à relever. C’est lui qui m’a donné le goût pour l’histoire des programmes spatiaux et ce fut un remarquable professeur : nul autre que lui savait si bien resituer les évènements et les découvertes dans leur contexte et trouver les grandes lignes dans la multitude des débats entre chercheurs qui les faisaient germer.
Un GRAND MERCI à Albert Ducrocq, dont les enseignements me sont toujours bien utiles aujourd’hui.
Olivier de Goursac