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Fondée en 1887 par Camille Flammarion. Association reconnue d’utilité publique en 1897. Agréé association nationale de jeunesse et d’éducation populaire.
Albert Ducrocq et Philippe de la Cotardière devant la coupole du télescope de 310 mm de l’observatoire de l’Association astronomique de l’Ain, le 26 mars 1984.
Avant de devenir mon mentor dans le domaine spatial, Albert Ducrocq fut pour moi une voix et une plume. La voix, immédiatement reconnaissable, que j’écoutais expliquer et commenter avec passion l’actualité spatiale sur Europe 1, et la plume dont je dévorais chaque mois les articles dans la revue Sciences et Avenir. Au printemps 1971, je pris l’initiative de le contacter, en lui faisant part de mon intention de me consacrer à la vulgarisation scientifique, avec une prédilection pour le domaine du ciel et de l’espace. Membre de la Société astronomique de France (depuis 1947), il avait eu l’occasion de lire et d’apprécier des articles que j’avais écrits dans l’Astronomie. Aussi me répondit-il très aimablement, en me promettant de me recontacter. Les mois passèrent, mais la promesse fut tenue. Notre première rencontre eut lieu en 1973. Pour me mettre le pied à l’étrier, il me confia la rédaction d’un article de synthèse de 15 feuillets sur les observatoires orbitaux et d’un autre de 25 feuillets sur les nouvelles astronomies (celles dont les observatoires spatiaux autorisaient le développement). Apparemment satisfait de ce galop d’essai, il me proposa ensuite d’écrire un article sur Jupiter (intégrant les premiers résultats acquis lors de son survol par la sonde Pioneer 10) dans le numéro hors-série de Sciences et Avenir sur les planètes publié sous sa direction en 1974.
1973 fut aussi l’année durant laquelle j’entrai au Conseil d’administration et au Bureau de la Société astronomique de France, comme secrétaire-adjoint. J’allais ensuite en devenir successivement secrétaire général (1976-1980), vice-président (1984-1987), puis président (1987-1993). Durant toutes ces années, j’ai œuvré pour que se tissent des liens étroits entre la SAF et Albert Ducrocq. En 1976, la Société lui décerna son prix Henry-Rey pour saluer son œuvre de vulgarisateur. À plusieurs reprises, la SAF eut la chance de bénéficier de son talent de conférencier. Chaque fois, le grand amphithéâtre de l’Institut océanographiques (600 places) faisait le plein. En 1978, Albert Ducrocq invita la SAF à participer à des manifestations associées au congrès international « Espace et civilisation » qu’il organisa à Lyon, pour dresser le bilan de vingt ans de conquête spatiale et évoquer les perspectives offertes par cette nouvelle aventure humaine. La SAF apporta son concours à une exposition « Le ciel et les hommes » présentée à la Bibliothèque municipale de Lyon. Le congrès fut aussi l’occasion d’un rassemblement exceptionnel de 18 astronautes et cosmonautes, avec Albert Ducrocq dans le rôle de maître de cérémonie. Lors d’une séance commune à la SAF et au Cosmos-Club de France, dans le grand amphithéâtre du Palais des Congrès de Lyon, le président de la SAF, Bruno Morando, prononça une conférence sur « Les progrès récents de l’astronomie » avant que le public ne soit invité à poser des questions aux astronautes et cosmonautes présents à la tribune.
Pour prolonger cette grandiose manifestation, Albert, Jean-Paul Trachier (fondateur de l’observatoire de Triel) et moi nous formâmes le projet de lancer un nouveau magazine de vulgarisation scientifique, reprenant le titre du congrès, pour mettre l’accent sur les incidences à venir du développement de la conquête spatiale et de ses applications sur la civilisation humaine. Albert trouva un éditeur, et un cocktail à l’Observatoire de Paris fêta la parution du premier numéro, daté de septembre-octobre 1978. Malgré un bon accueil et un lectorat fidèle, ce titre, d’abord bimestriel, puis mensuel, allait malheureusement connaître bien des vicissitudes. Après avoir changé de propriétaire, il fut repris par un éditeur affairiste peu scrupuleux. L’aventure s’acheva après la parution d’une vingtaine de numéros seulement et laissa à ses trois fondateurs un goût amer, mais consolida les liens d’amitié entre eux !
Après la création d’une page « Sciences » quotidienne dans Le Figaro en 1986, Albert Ducrocq en fut un collaborateur régulier. J’y collaborai aussi plus occasionnellement. Nous nous trouvions parfois en compétition sur les sujets d’articles proposés, à propos de phénomènes célestes facilement observables. Dans le domaine du livre également, des événements très médiatisés comme le retour de la comète de Halley en 1986 et l’éclipse totale de Soleil du 11 août 1999, nous valurent d’être en compétition éditoriale. Mais sans aucune animosité entre nous.
À deux reprises, j’ai eu le plaisir d’accueillir Albert Ducrocq dans le département de l’Ain, où se trouvent mes attaches et où j’ai fondé une association d’astronomes amateurs il y a plus d’un demi-siècle. Le 5 mai 1975, invité par l’association et par le Centre d’action culturelle de Bourg-en-Bresse, il donna avec son brio habituel une conférence intitulée « Comment la Terre est née ». Le 26 mars 1984, il fut de retour à Bourg-en-Bresse pour évoquer cette fois l’observation de la Terre depuis l’espace. À cette occasion, il prit le temps de visiter notre observatoire, avant de partager avec quelques membres de l’association un dîner très convivial, où l’actualité spatiale du moment fut bien évidemment au cœur des discussions.
Pendant près de trente ans, il m’a donc été donné de rencontrer régulièrement Albert Ducrocq et de pouvoir échanger avec lui. Notre intérêt mutuel pour l’astronomie (« La grande science de demain » me répétait-il souvent dans les années 1970) et pour une large diffusion des avancées scientifiques, ainsi qu’une convergence de vues sur de nombreux sujets ont créé peu à peu entre nous de solides liens d’amitié malgré la différence d’âge. J’admirais ses connaissances encyclopédiques, ses réflexions visionnaires, son inventivité, son immense talent de vulgarisateur, j’étais aussi bluffé par son impressionnante mémoire et j’appréciais son humour pince-sans-rire ainsi que ses réparties parfois caustiques. Vingt ans après sa disparition, je pense encore à lui chaque fois que l’actualité spatiale fait la une des médias, en particulier actuellement avec la mission de Thomas Pesquet dans la Station spatiale internationale.
Philippe de la Cotardière
Devant la grande lunette de l’observatoire de Meudon. On reconnaît notamment, au premier rang, de gauche à droite : Olivier de Goursac, André Brahic, Albert Ducrocq, Philippe de la Cotardière, Jean-Marie Luton.