René Verseau nous a quittés
Paris – 12 octobre 2021
La Société Astronomique de France vient de perdre son doyen en la personne de René Verseau, membre de la Société Astronomique de France depuis 1942, parrainé par Madame Gabrielle Camille Flammarion et par Lucien Rudaux.
Né à Paris, René a passé son enfance près des pistes de l’aéroport du Bourget et le 21 mai 1927 et emmené par ses parents, il a assisté à l’atterrissage triomphal du Spirit of Saint Louis piloté par l’aviateur américain Charles Lindbergh.
10 ans plus tard René entre pour la première fois sous la coupole du Planétarium inauguré en 1937 à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris : une passion sans limites venait de naître.
Après un court exode à Tours puis Guéret, l’Occupation allemande et ses restrictions le conduisent très souvent au Palais de la Découverte au contact de Lucien Rudaux, auteur du « Manuel Pratique d’Astronomie » qui fut son premier livre. Il s’y rendait souvent, car, rappelait-il : « il y faisait moins froid que chez nous ».
Une fois le Bac en poche René est employé par Air France sur un poste d’agent de la circulation aérienne où il se fait rapidement remarquer, lui permettant l’obtention d’un brevet de pilote alors qu’il n’avait pas encore le permis de conduire une automobile. En très peu de temps il deviendra ingénieur des travaux et lui seront proposées des missions lointaines à partir de 1948.
Mais avant cela, en 1946, René assiste à l’Institut Océanographique, à la présentation par Jean Texereau du télescope standard de 200 mm de diamètre réalisé à la Commission des Instruments de notre Société et, pour lui qui ne disposait que d’une petite lunette de 40mm, ce fut une révélation. Immédiatement, il deviendra un des piliers de cette Commission et réalisera son propre télescope standard qui le suivra en Tunisie puis au Congo.
René Verseau, Paris, 28 août 1925 – Gazeran, 8 octobre 2021
De 1948 à 1953 René est envoyé en Tunisie puis quelques mois au Tchad avant d’arriver au Congo au début de 1954 où, depuis l’aéroport de Brazzaville et avec son télescope de 200mm, il observe et dessine la planète Mars alors en opposition très favorable. Ses dessins font aujourd’hui encore référence. A la fin de 1954, René est de retour en Métropole pour 6 mois durant lesquels il taille un miroir de 300mm dont Jean Texereau réalisera la parabolisation. Il repart ensuite avec son miroir sous le bras : direction le Burkina Faso, ex Haute Volta, où, avec un accès aux ateliers bois et mécanique de l’aéroport de Ouagadougou, il réalise l’ensemble de la mécanique de ce télescope pour lequel il fabrique une monture équatoriale anglaise en modifiant un pont arrière de camion. René arrive aussi avec une mission que lui ont confiée Jean Texereau et Robert Sagot : documenter le maximum d’observations pour un projet éditorial : la « Revue des Constellations ». René part de Ouagadougou en 1959 avec le tube de son télescope de 300mm en abandonnant l’équatorial sur place, direction le Cameroun ou il va le réinstaller sur une nouvelle monture anglaise beaucoup plus massive sur l’aéroport de Yaoundé. Peu après son départ de Ouagadougou est arrivé Charles Boyer avec qui René travaillera à la détermination de la période de révolution de l’atmosphère de la planète Vénus. Ils se rencontreront à Yaoundé en 1957 et de même avec Jean Dragesco avec qui René restera en contact jusque sa disparition il y a quelques mois à l’âge de 100 ans.
En poste à Yaoundé, René va rater l’éclipse totale de Soleil française du 15 février 1961, et, de retour à Paris début 1962, il ratera aussi l’éclipse annulaire camerounaise du 31 juillet de la même année.
A partir de 1962 René se fixe en France et décide en 1964 de faire construire une villa à Rambouillet et là encore, l’astronomie sera omniprésente d’abord, car l’architecte est Alain Poirier, astronome amateur et employé de la société Parra Mantois, fabricant de verre à usage astronomique, ensuite « Alioth » est le nom donné à cette villa, enfin parce qu’il y réinstalle son télescope de 300mm sur la partie mécanique de la monture ramenée de Yaoundé moyennant, disait-il : « un léger surpoids de bagages » … de 120 kg tout de même.
Auteur de nombreux articles parus dans « l’Astronomie », René a été un des fidèles de la Commission des Instruments jusqu’au départ de Jean Texereau, de la Commission des Surfaces Planétaires, particulièrement à l’époque de la présidence de Jean Dragesco, de la Commission du Soleil et de la Commission des Cadrans Solaires pour laquelle il a sillonné toutes les régions de notre pays dans le cadre de l’inventaire des cadrans. René a aussi été membre de notre Conseil d’Administration.
Toujours partant pour la découverte de nouveaux horizons, René a chassé 12 éclipses totales et annulaires de Soleil, dont plusieurs avec Pierre Bourge et celle du 11 juillet 1991 avec l’équipe de l’Institut d’Astrophysique de Paris conduite par Serge Koutchmy avec laquelle, cinq ans avant il s’était déplacé en Amérique du Sud pour l’observation de la comète de Halley.
Dès qu’il y avait une occasion de se rapprocher des étoiles, René était de sortie avec son camping-car qu’il avait dénommé avec dérision « SAMC » (Station astronomique mobile de campagne) et ce moment de séparation nous remémore les innombrables moments de vie passés en sa présence toujours bienveillante, et même arrivé à l’hiver de sa longue vie, René a toujours su capter l’attention de tous sans distinction d’âge. De Saint Aubin de Courteraie à l’époque Pierre Bourge en passant par Valdrôme jusqu’aux aux Rencontres Alpes Europe Astronomie 2020 qui furent sa dernière sortie astronomique, René était de tous les rassemblements où l’astronomie de salon était absente.
Autre très grande passion de René venue de sa mère : la musique et, en particulier, l’œuvre de Wolfgang Amadeus Mozart qui l’a emmené plusieurs fois à Salzbourg mais aussi celle de Jean Sébastien Bach et des grands romantiques. Aux côtés de sa compagne Josiane, elle aussi animée de la même passion, cette parfaite harmonie a su dépasser les outrages du temps.
Au-delà de ce parcours exceptionnel, René ne laissait personne indifférent avec un sens marqué de la hiérarchie au bas de laquelle il s’est toujours considéré, un sens de l’hospitalité sans égal et une bonté sans limites, le tout doublé d’une espièglerie qui, pour en rebuter quelques-uns, en charmait tant d’autres.
Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir un patronyme porté au ciel dès le jour de sa naissance mais s’agissant de René nous pouvons affirmer qu’il a honoré toute sa vie, non seulement la constellation portant son nom mais le ciel tout entier et la Société Astronomique de France dans ses valeurs les plus nobles.
A Josiane, sa compagne, à ses filles Anne-Marie et Isabelle, à sa famille et ses très nombreux amis nous adressons nos très sincères condoléances.
Philippe Morel
Président de la SAF (2005-2014)