Commission de planétologie : compte rendu de la réunion du 26 octobre 2019

PLUTON : UN OBJET SURPRÉNANT

Conférence donnée par Lora Jovanovic

Crédit : NASA/JHUAPL/SwRI

Lora Jovanovic est doctorante au Laboratoire Atmosphères, Milieux,  Observations spatiales (LATMOS) à Saint Quentin en Yvelines.

Historique de la découverte de Pluton
Après Le Verrier et la découverte de Neptune, on pensait avoir atteint la limite du système solaire. Erreur, c’est Clyde Tombaugh, un agriculteur passionné par les étoiles qui va encore augmenter la taille du système solaire. Il est embauché à l’Observatoire Lowell (Flagstaff Arizona) pour effectuer un travail ingrat : visionner au comparateur les plaques photo qu’il a faites les nuits précédentes, et devant permettre la découverte d’une éventuelle planète X.

Un an après, il découvre un soir de fin février 1930, un petit point qui s’est déplacé sur des plaques de janvier : ce sera Pluton.
Son diamètre est évalué à 2 400 km, densité évaluée à environ 2. Orbite très excentrique, incliné sur l’écliptique (122°), 29 UA à 49 UA, 247,7 ans, en résonance 3/2 par rapport à Neptune.

Pluton est un système double. On découvre en 1978 un satellite de taille importante orbitant Pluton, c’est Charon, 1 200 km de diamètre. Hubble découvre d’autres (petits) satellites, on en est à 5. Pluton est difficile à observer, c’est 50.000 fois moins lumineux que Mars.

La mission New Horizons
La sonde de la NASA New Horizons est lancée en Janvier 2006 à l’aide d’une puissante fusée Atlas-Centaur V 551, dont la coiffe est essentiellement vide. Une fusée si puissante est nécessaire car on veut arriver vite à Pluton, avant le début de l’hiver (sur Pluton). Le chemin étant long vers Pluton, un petit coup de main de Jupiter est nécessaire en février-mars 2007, une assistance gravitationnelle la pousse vers les confins de notre système solaire. Arrivée dans la région de Pluton été 2015 et visite de certains KBO de 2016 à 2020. La date visée est le 14 juillet 2015. La densité est affinée : 1,85.

Les instruments à bord de la sonde :

ALICE : Composition de l’atmosphère, profil vertical.

LORRI : Image panchromatique haute résolution de la surface.

PEPPSI : Échappement atmosphérique, interaction avec le vent solaire.

Ralph : Composition de la surface, géologie.

REX : Pression et température de l’atmosphère proche de la surface.

SDC : Poussières interplanétaires.

SWAP : Échappement atmosphérique, interaction avec le vent solaire.

Un objet géologiquement actif et divers
Progressivement, on découvre l’énorme diversité de la surface et son activité géologique. Pluton serait un « monde océan », il comprendrait un océan liquide (eau salée) en son intérieur, sous la couche de glace. On s’en est aperçu en s’intéressant à Sputnik Planitia, ce vaste bassin en forme de cœur, recouvert de glace d’azote et en faible partie de glace de CO. À cette température (-235 °C) ces deux types de glace sont plus denses que la glace d’eau. Sa surface est recouverte de polygones, correspondant à des cellules de convection.

On pense que l’origine de ce bassin serait due à un impact avec un gros corps, la glace de N2 se serait ensuite accumulée au cours du temps dans ce cratère de plusieurs km d’épaisseur, menant à un excès de gravité en ce point. Cette anomalie gravitationnelle aurait déstabilisé l’axe de rotation de Pluton et provoqué, un basculement des pôles de la planète réorientant l’axe de rotation de Pluton près de l’axe de rotation Pluton-Charon. Actuellement ce bassin a changé de place.

Tous ces mouvements nécessitent de la part des scientifiques, la présence d’un océan d’eau liquide souterrain situé sous les quelques 100 km de croûte de glace de la planète. Une couche intermédiaire d’hydrate de méthane est envisagée. Cette eau liquide comporterait aussi des sels et de l’ammoniaque, afin de faire descendre le point de congélation. Quant à la surface de Pluton, on sait qu’elle est à base de glaces de N2, CH4 et CO, tout cela reposant sur de la glace d’eau. La température moyenne de surface est de l’ordre de -228°C. On a mis en évidence des cryovolcans à la surface de Pluton, notamment Wright Mons et Piccard Mons. Wright Mons (diamètre 150 km) a une altitude 4000 m et une dépression de 5000 m de profondeur. Quant à Piccard Mons (diamètre 225 km), 6 km de haut et 5 km de profondeur.

La présence de cryovolcans est une indication de la géologie avancée de cette planète. On compte aussi de nombreux cratères d’impact de toutes tailles sur Pluton. Plus intéressant, on a découvert de nombreuses failles à la surface de Pluton, signe d’une activité tectonique surprenante pour un corps aussi loin dans le Système Solaire.

Lors de son survol au-dessus de Pluton, en juillet 2015, la sonde New Horizons nous a donné à voir de nombreux paysages auxquels on ne s’attendait pas comme ses plaines glacées (glace d’azote), ses montagnes de glace d’eau et surtout les terrains mystérieux appelés en anglais « bladed terrains » (que l’on pourrait traduire par lames de glace ou terrains entaillés). Ils sont à base de glace de méthane. Ce genre de terrain n’avait pas trouvé d’explication à ce jour. Les scientifiques ont remarqué que cela pouvait ressembler à un phénomène que l’on trouve surtout sur les pentes de la Cordillère des Andes à haute altitude (plus de 4000m) et appelé « pénitents de glace (ou de neige) ».

Ces formations seraient dues à de la glace de méthane. Elles sont toujours situées aux altitudes élevées et près de l’équateur de la planète. Elles peuvent atteindre plusieurs mètres de haut. Ce serait donc le résultat du passage du méthane sous forme solide à haute altitude. L’étrange forme proviendrait des variations climatiques de Pluton, loin du Soleil, le méthane atmosphérique se congèle, plus près du Soleil, il se sublime et repasse dans l’atmosphère. Les scientifiques pensent aussi que ce phénomène serait aussi fréquent sur la face “cachée” de Pluton.

Des montagnes de glace
La glace d’eau est proche de zéro degré comme dans tous les glaciers ; donc, elle est relativement molle, elle s’écoule et elle forme des glaciers. Sur Pluton, cette glace est à moins 230 degrés et elle est aussi dure que de la roche ; sur Pluton, c’est la glace qui forme les montagnes. Ces montagnes sont formées de glace d’eau parfois tachetée de givre de méthane. L’immense glacier en forme de cœur sur sa surface est constitué d’azote. Ce cœur de Sputnik Planitia est composé de cellules de convection (un peu comme sur Terre dans les terrains polaires avec les polygones caractéristiques) de glace d’azote un peu bombées sur lesquelles sont déposées des grains de glace de méthane.

L’atmosphère de Pluton
Elle est complexe et liée à la sublimation des glaces. Elle a été découverte avant le passage de New Horizons en 1988 par occultation stellaire. Une très (très) faible atmosphère d’azote existe : 1 Pa (la pression terrestre est de l’ordre de 1000 hPa (105 Pa), de plus il y aurait 0,5% de CH4 et 0,04% de CO. L’atmosphère de Pluton possède aussi un profil thermique particulier. Il y a inversion de température vers 400 km d’altitude. L’atmosphère est « beaucoup » plus chaude (-170°C) que le sol, le sol étant à environ -220°C (~50K). Ceci est dû à la grande quantité de méthane de l’atmosphère (0,5%) qui donne un effet de serre. Comme Pluton s’éloigne de plus en plus du Soleil (va vers l’hiver), son atmosphère se sublime progressivement, si bien qu’à l’aphélie, il n’y aurait presque pas d’atmosphère, alors qu’au périhélie, l’atmosphère se forme de nouveau. Il y a donc une évolution saisonnière de l’atmosphère.
Une chimie très complexe se produit dans l’atmosphère, des aérosols se forment, ce sont des particules (10 nm à 0,1 mm) qui réagissent avec les UV et donnent naissance à des corps organiques. Ils forment peut-être des nuages dans l’atmosphère et on a détecté jusqu’à 20 couches atmosphériques.

Conclusion
· Avant le passage de New Horizons nous avions peu de connaissance sur le monde de Pluton.

· Le survol nous a permis de découvrir ce monde fascinant.

· C’est en fait un système binaire Pluton-Charon et 4 satellites en plus.

· Pluton est géologiquement actif, comprenant un océan liquide en son intérieur, on note la présence de cryovolcans à sa surface.

· Sa surface de glaces d’azote et de méthane repose sur un socle de glace d’eau.

· Grande diversité des reliefs de surface.

· Atmosphère complexe en couches.

Compte rendu fait par Jean-Pierre Martin, vice-président de la commission. Vous trouverez des informations complémentaires et la présentation de Lora Jovanovic en pdf sur le site web de Jean-Pierre Martin.