Compte rendu de la conférence de la SAF du 16 mars 2018
Y A-T-IL UNE NEUVIÈME PLANÈTE DANS LE SYSTÈME SOLAIRE ?
Conférence donnée par Alain Doressoundiram
Astrophysicien Planétologue au LESIA Observatoire de Paris
Vue d’artiste de l’hypothétique planète 9. (ESO/Tom Ruen/nagualdesign)
Introduction
Alain nous propose une vue d’ensemble du Système solaire, avec notamment les 3 ensembles d’objets en dehors des planètes qui sont situés dans des bandes autour du Soleil :
– la ceinture principale d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter
– la ceinture de Kuiper au-delà de Neptune et
– le nuage d’Oort aux confins du Système solaire vers les 50 000 UA, siège des comètes à longue période.
Le nombre de planètes dans notre ciel a évolué au cours du temps : de l’Antiquité au Moyen Age, on comptait seulement 7 corps mobiles dans le ciel. Puis beaucoup plus avec l’utilisation de la lunette; en effet, à cette époque, même les satellites comptaient comme planètes. Puis on découvre Uranus, Neptune. Au début du XXème siècle on en est à 8 planètes. En 1930 Clyde Tombaugh découvre Pluton : et de 9 ! En 2006, Pluton est déclassée et on revient à 8 planètes.
La découverte de Pluton
Clyde Tombaugh, embauché à l’Observatoire Lowell, découvre sur une plaque photographique un petit point qui se déplace dans le ciel le 18 Février 1930. L’orbite de Pluton est elliptique (30-50 UA), fortement inclinée (17°), en résonance avec Neptune (3/2); sa période : 248ans. Son gros satellite Charon a été découvert en 1978 par J. Christy.
Pluton n’a fait que perdre de la masse dans les calculs depuis sa découverte. Quelques caractéristiques :
– R Pluton / R Charon = 2
– M Pluton / M Charon = 8,5
Pluton est couverte de glace d’eau, d’azote et de méthane et Charon serait recouvert uniquement de glace d’eau (albédo moyen 60%).
La ceinture de Kuiper
La structure de la ceinture de Kuiper est très dynamique avec de nombreuses résonances. On remarque deux familles d’objets :
– Une famille groupée, les objets classiques de faible excentricité de 35 à 48 UA et
– Une famille dispersée d’objets épars de forte excentricité dont le demi grand axe est < à celui de Neptune.
On remarque aussi une troncature vers les 48 UA appelée « falaise de Kuiper ».
Comment définir une planète ?
À Prague en 2006, l’UAI a défini le mot planète et chassé définitivement Pluton de cette catégorie. L’UAI a retenu pour les corps de notre système solaire 3 catégories possibles.
1) Une planète est un objet céleste qui doit satisfaire aux critères suivants :
– L’objet doit être en orbite autour du Soleil.
– L’objet doit être suffisamment massif pour que sa propre gravité lui donne une forme presque sphérique. (généralement objets > 800 km de diamètre)
– L’objet a nettoyé l’espace autour de lui (dû à sa forte gravité).
2) Une planète naine (dwarf planet) est un objet céleste qui doit satisfaire les critères suivants :
– L’objet doit être en orbite autour du Soleil.
– L’objet doit être suffisamment massif pour que sa propre gravité lui donne une forme presque sphérique. (généralement objets > 800 km de diamètre)
– L’objet n’a pas nettoyé l’espace autour de lui.
– N’est pas un satellite.
3) Tous les autres objets, exceptés les satellites orbitant le Soleil seront appelés petits corps (small solar system bodies) du système solaire.
Avec ces critères, Cérès, Éris et Pluton ne sont pas des planètes.
Les soupçons d’une planète supplémentaire
Plusieurs anomalies dans la ceinture de Kuiper:
– L’orbite de Sedna et des objets détachés (hors de portée de Neptune)
– Orbites très inclinées et très allongées
– La présence de la troncature du disque (falaise de Kuiper)
pourraient être expliquées par la présence d’une planète massive ou du passage rapproché d’une étoile au moment de la formation du Système solaire.
Mais ces possibilités ne sont pas toutes valables. La plupart des KBO ont des orbites aléatoires, et c’est alors que l’on remarque que les plus gros semblent avoir une orientation privilégiée, des orbites anti-alignées. Il se pourrait qu’une planète située plus loin, soit responsable de cette particularité. Mike Brown du Caltech et son collègue Konstantin Batygin se lancent alors dans une recherche par modélisation de cette possibilité et annoncent cette nouvelle le 20 Janvier 2016.
Cette planète aurait au cours du temps, éjecté les autres corps dans d’autres directions ; ce qui a poussé A. Morbidelli et son équipe de Nice à faire des simulations qui semblent lui donner raison. Ces simulations sont basées sur le modèle de système solaire baptisé INPOP (Intégrateur Numérique Planétaire de l’Observatoire de Paris). Ce modèle intègre près de 150 000 observations des planètes et des astéroïdes du Système solaire.
Les orbites des six objets les plus lointains connus au-delà de Neptune ont leurs périhélies regroupés dans la même direction. Même, vus en 3D ils sont inclinés de façon identique par rapport au plan de l’écliptique. Les orbites anti-alignées avec la Planète 9 seraient plus stables que les autres. Elles réduisent les rencontres avec la planète.
Le gros avantage de cette probable planète 9 est qu’elle expliquerait aussi l’inclinaison de 6° du plan orbital des planètes par rapport à l’équateur du Soleil. La rotation du disque protoplanétaire à l’origine, définit un plan privilégié pour les planètes. Le plan orbital des planètes de notre Système solaire devrait donc être confondu avec l’équateur solaire. Or, si les planètes sont dans un même plan (à 1° près) ce n’est pas le cas pour le plan planétaire qui est décalé de 6°. Des calculs montreraient qu’une planète massive située loin dans le Système solaire et fortement inclinée sur l’écliptique (30°), pourrait expliquer ce phénomène.
Que sait-on de la planète 9 ?
Ce que l’on estime aujourd’hui :
– 5-20 masses terrestres (probablement 10, Super Terre ou Mini Neptune)
– Magnitude: 22-25
– Période orbitale: ~15 000-20 000 ans
– Distance ~700 UA, périhélie et aphélie à 200 et 500-1200 UA
– Inclinaison ~30° (18-48°)
Cette hypothétique planète n’a pas été observée ; on a déduit après calculs des perturbations, modèles mathématiques élaborés et hypothèses qu’elle devait exister. La planète dont on suppose l’existence orbiterait le Soleil en 10 000 à 20 000 ans. C’est grâce aux éphémérides planétaires INPOP et à la sonde Cassini, que nous pouvons connaître la position de Saturne avec une précision de 100 m. On en déduit les zones du Système solaire où on devrait chercher cette possible planète. En fait, on exclue surtout une partie de son orbite, notamment les 2/3 dans ce cas. D’où proviendrait cette mystérieuse planète ? Il y a plusieurs possibilités :
– Elle peut s’être formée sur place.
– Ce peut aussi être une exoplanète capturée lors de l’enfance du Système solaire.
Fin 2017, un doute s’installe
De nouveaux relevés profonds, OSSOS (Outer Solar System Origins Survey) au CFHT d’Hawaï consacrés aux TNO semblent montrer qu’il existerait des biais de mesure dans ce qui a amené à introduire l’existence de la planète 9. Ces biais, une fois corrigés, indiqueraient que ce qui a été trouvé sur les objets anti-alignés pouvaient aussi bien exister sans une planète 9.
Conclusion
Il semble que les soupçons qui pèsent sur son existence soient solides. Ce pourrait être une super Terre proche de son aphélie (700 UA), une super Terre qui manquerait apparemment au Système solaire alors que l’on en découvre partout dans les systèmes extra solaires. On continue à chercher et on espère beaucoup du LSST (Large Synoptic Survey Telescope) au Chili en 2023.
Compte rendu détaillé ICI