Il déplaçait les foules

Crédit photo : Photo Jacques Bouvier / Collection PFM

J’ai dû commencer à lire des articles d’Albert Ducrocq à l’âge de dix ans, en 1979, dans le magazine… Pif Gadget, avant de suivre sa tribune hebdomadaire dans Air & Cosmos. C’est dans ce dernier que j’ai appris qu’il donnait une conférence au sein d’une prestigieuse académie, à laquelle je n’eus pas accès. Mais je fis le pied de grue en bas de l’imposant escalier d’entrée, attendant patiemment qu’il sorte pour le rencontrer pour la première fois et lui tendre un exemplaire de son livre L’homme sur la Lune, que j’avais mis plusieurs années à trouver. Puis, au début des années 1990, j’ai découvert l’existence du Cosmos Club de France, qu’Albert Ducrocq avait fondé en 1963, ce qui m’a permis de partager avec le fameux journaliste plusieurs moments savoureux – lors des grandes conférences qui se tenaient salle Asiem dans le 7e arrondissement ou au Palais de la découverte, au siège de l’association (basé dans une école du Quartier Latin), dans mon studio d’étudiant à Aubervilliers… ou sur le décor de l’émission « Arthur et les pirates », dans les locaux d’Europe 1.

Un personnage inimitable

Notre homme se montrait parfois espiègle. J’ai raconté dans un recueil d’anecdotes intitulé Vers le cosmos et au-delà ! (à paraître en octobre aux éditions du Trésor) un épisode mémorable, vécu en juillet 1993 à l’occasion d’une liaison en direct avec l’astronaute français Jean-Pierre Haigneré, qui séjournait alors à bord de la station orbitale russe Mir.

Pour l’heure, je pense à une autre tranche de vie, lors de la venue d’Albert Ducrocq à Bourges durant l’été 1996, pour participer au Festival des clubs Espace CNES-Planète Sciences, alors que Claudie Haigneré séjournait à son tour à bord de Mir. Il a donné une conférence sur les retombées de la conquête spatiale, au milieu de laquelle, après avoir regardé sa montre, il a proposé au public de… sortir de la salle pour aller admirer le passage de la station au-dessus de la capitale berrichonne ! Après ce spectacle de quelques minutes, les gens sont sagement retournés à leur place écouter la fin de la présentation. Je n’avais jamais vu quelqu’un déplacer une foule de la sorte, et n’ai jamais vécu l’équivalent depuis…

A la recherche de la vie sur Mars

Les textes marquants d’Albert Ducrocq sont légion mais, pour l’avoir si longtemps cherché dans des librairies d’occasion, ce sont deux passages de son ouvrage L’homme sur la Lune, paru en 1969 au moment des premiers pas sur la Lune, que je citerai aujourd’hui : « Le grand objectif des biologistes dans le système solaire ? Ce sera évidemment la planète Mars […]. Certains de ces travaux déboucheront-ils sur la découverte effective d’une certaine vie martienne ? Il faut le clamer : cette découverte serait un événement beaucoup plus important que l’arrivée de l’homme sur la Lune. Mais plaçons-nous dans l’hypothèse pessimiste. Imaginons que les résultats soient négatifs, et que ni les engins automatiques ni l’homme ne découvrent une vie sur Mars pour la raison très simple qu’il n’y en aurait pas. Il n’y aurait pas lieu d’être déçu pour autant. D’abord parce que les seules recherches effectuées pour concevoir ces appareils auront fait faire des progrès considérables à la biologie. Ce seront les plus importantes jamais entreprises en matière de biologie générale ».

Pierre-François Mouriaux