Compte rendu de la conférence mensuelle de la SAF du 11 septembre 2019

Mars, le prochain défi !

Conférence donnée par François Forget

Astrophysicien, planétologue, LMD Institut Pierre Simon de Laplace

Crédit : NASA, JPL, Timothy Parker

François Forget est chargé de recherche du CNRS attaché à l’Institut Pierre Simon Laplace, travaillant en coopération avec diverses Universités parisiennes. Il est responsable du Laboratoire de météorologie dynamique (LMD). Il a travaillé dans le passé aussi au CNES et au centre Ames de la NASA. Il est spécialisé dans les modèles climatiques planétaires. Il a donné de nombreuses conférences sur Mars.

En moyenne une mission martienne sur deux a échoué pour diverses raisons, mais beaucoup de missions passées ont été aussi de brillants succès comme :

  • Mariner 9 en 1971 qui nous a fait découvrir le vrai visage de Mars
  • Les Viking en 1976 premiers atterrisseurs avec expériences biologiques
  • Mars Global Surveyor en 1996 (fin en 2006)
  • Pathfinder et son petit robot en 1996
  • Les robots Spirit et Opportunity en 2003, Oppy travaille toujours en 2018.
  • Phoenix, premier robot dans la banlieue du pôle nord martien.

Les missions en cours et toujours opérationnelles :

  • Mars Express de l’ESA
  • Mars Odyssey
  • Mangalyan ou MOM (Inde)
  • Mars reconnaissance Orbiter MRO
  • Maven
  • Exomars de l’ESA/Roskosmos

Et les robots géologues :

  • Opportunity
  • Curiosity, le dernier robot mobile de la NASA
  • Insight, atterrissage réussi sur Mars

On se rappelle tous l’échec de l’atterrissage de Schiaparelli, qui faisait partie de la sonde Exomars. Les oscillations engendrées par le parachute lors de son déploiement étaient trop importantes, et cela a fait saturer le gyroscope de la centrale inertielle. La sonde a cru qu’elle était plus basse que réellement, elle a peut-être même cru qu’elle était posée, les moteurs sont coupés et le parachute largué ! Chute libre de près de 4000 m qui se solde par un impact tragique.

Les missions en cours et futures doivent répondre aux questions suivantes :

  • Comment se forment les planètes comme Mars ?
  • Que s’est-il passé sur Mars, il y a 4 Ga ? La vie est-elle apparue ?
  • Pourquoi Mars n’a pas connu le même destin que la Terre ?
  • Comment fonctionne le climat martien aujourd’hui ?
  • La vie subsiste-t-elle dans le sous-sol ?

La planétologie comparée devrait nous aider à comprendre nos origines. La structure interne des planètes devrait nous permettre également de comprendre leur formation. D’où l’intérêt de la mission InSight récemment arrivée sur Mars. InSight emporte avec elle un sismomètre mis au point notamment par la société SODERN que nous avons reçue il y a quelques temps dans les locaux de la SAF. Les expériences menées par InSight doivent aboutir à nous en apprendre plus sur l’évolution des planètes rocheuses et notamment sur le processus d’évolution de Mars ; elles doivent nous aider à la :

  • Détermination de la taille exacte du noyau et son état physique.
  • Détermination de l’épaisseur et de la structure de la croûte.
  • Détermination de la composition et de la structure du manteau
  • Détermination de l’état thermique de l’intérieur martien et sa vitesse de refroidissement.
  • Mesure précise de l’activité sismique.
  • Mesure du taux d’impacts météoritiques sur la surface.

Deux microsatellites (des Cubesat) baptisés MarCO (Mars Cube One) A et B volent avec InSight en la suivant. Ils servent de test de communication en employant de si petits satellites, et aussi de relais pendant la descente. Ce qui a parfaitement fonctionné puisque ce sont eux qui ont relayé la première image. Après la rencontre avec Mars, ils poursuivront leur orbite autour du Soleil. Pourquoi de tels petits satellites ? Ils ont été construits pour voir si cette technologie survit dans l’espace profond, ce qui semble bien être le cas. Après un long voyage de 7 mois, ils ont été capables de transmettre les informations de la descente à la Terre. Ils n’avaient pas beaucoup d’instruments scientifiques à bord, mais quand même une caméra qui a pris la planète Mars lorsqu’ils l’ont quittée. Ces deux petits satellites n’ont pas de moyens de propulsion propre, c’est la raison pour laquelle, ils poursuivent leur chemin balistique dans l’espace.

On sait que l’expérience HP3 présente des problèmes en ce moment, la sonde ne pénètre plus dans le sol et on cherche des solutions. Après des études plus poussées, on pense qu’il pourrait y avoir une cavité dans le sol créée par les coups de marteau répétés, or dans ces conditions, la friction nécessaire à l’avancement n’existerait plus, bloquant la progression. À cet effet on a retiré la sonde du trou. La caméra de la sonde a ensuite été capable de voir le trou et son environnement, confirmant ce que l’on suspectait, effectivement, une cavité s’est formée autour de la Taupe. On va essayer de boucher le trou.

On s’intéresse aussi au système climatique de Mars, et là, la sonde ExoMars avec son instrument TGO (mesure de gaz traces, notamment de CH4) nous sera très utile, il est réellement entré en service en avril 2018, mais avant on s’est concentré sur l’aérofreinage de la sonde. On sait en effet que l’on a découvert récemment (notamment Curiosity) des traces épisodiques de ce gaz, lié principalement à la vie biologique, mais des signes permanents n’ont pas encore été mis au jour. Ce sera un des buts de TGO.

François Forget nous signale l’intérêt d’une nouvelle mission avec de nouveaux acteurs : la mission Hope (traduction de l’arabe) des Émirats Arabes Unis. L’orbite de cette sonde est intéressante : elle est équatoriale.

De nouvelles missions martiennes sont prévues en 2020 (c’est l’année de la bonne fenêtre de tir) notamment la mission Mars 2020 de la NASA. Elle est bâtie autour d’un double de Curiosity auquel elle ressemble. Mais avec quelque chose chose d’original : un petit hélicoptère. Dans l’atmosphère très ténue de Mars, ses pales vont tourner très vite : 3000 t/min. Nombreux systèmes de rechange de Curiosity utilisés; mais avec de nouvelles roues, lancement été 2020, atterrissage similaire Curiosity (skycrane). La principale différence avec Curiosity : il doit être capable de collecter quelques dizaines d’échantillons mis dans un conteneur qui seront retournés sur Terre lors d’une autre mission.

En 2020 doit aussi avoir lieu le lancement de la mission de l’ESA : ExoMars 2020 avec son rover Rosalind.
N’oublions pas aussi nos amis Japonais, Chinois et Indiens qui eux aussi ont leurs mots à dire dans ces missions martiennes.

Des hommes sur Mars ?
La plupart des agences spatiales ont des projets de retour sur la Lune et même de voyage vers Mars. Le problème c’est que ça coûte cher, que l’on n’a pas encore les lanceurs et que les capsules spatiales sont en cours de fabrication. Ces capsules du côté US sont au moins trois : Orion de la NASA, CST-100 Starliner de Boeing (ces deux étant des extensions d’Apollo) et un peu plus original : Crew Dragon de SpaceX. Quant aux lanceurs, la NASA met sur pied sont super Saturn, le SLS (Space Launch System) et SpaceX son Starship prévu pour aller aussi vers Mars. Une nouvelle notion s’impose : le Gateway, une mini station spatiale en orbite autour de la Lune et qui pourrait servir de base intermédiaire avant d’aller sur la Lune ou ailleurs. Les USA ont décidé qu’un (ou qu’une) astronaute américain devait retourner sur le Lune pour 2024.

Revenons à la problématique des Hommes sur Mars. Il y a plusieurs problèmes liés à une telle expédition humaine :

  • Le coût (Apollo avait couté 150 Milliards de $ actuels) ; le budget de la NASA est aujourd’hui de 21 milliards.
  • L’aspect technique : lanceurs et capsules doivent être mis en fabrication et testés.
  • Le voyage est long et semé d’embuches : apesanteur, niveau des radiations, psychologique : on ne voit plus la Terre.
  • Atterrissage au bon endroit sur Mars.
  • Vivre sur place pendant au moins un an.
  • Revenir.

L’atterrissage sera peut-être problématique, on arrive vite, il faut vraiment ralentir, on ne peut pas se contenter des systèmes d’atterrissage des rovers. Il faudra certainement combiner plusieurs techniques ou alors utiliser un ralentisseur hypersonique gonflable (Hypersonic Inflatable Aerodynamic Decelerator ou HIAD). Ce n’est en tout cas pas la solution retenue pour SpaceX qui veut faire atterrir son starship verticalement. Cela nécessitera probablement l’établissement d’un camp de base avec des modules préfabriqués arrivés précédemment. Il faudra aussi être capable de fabriquer le carburant de retour sur place, sans parler de nourriture et d’oxygène.

François Forget pense qu’une solution intermédiaire pourrait être une mission en orbite autour de Mars, ce qui permettrait de piloter en direct des robots à la surface de Mars, d’étudier et de visiter les satellites de Mars etc.. L’avenir est ouvert, on en reparlera !

Le compte rendu complet et la présentation sont disponibles sur le site web de Jean-Pierre Martin :

http://www.planetastronomy.com/special/2020-special/11sep/Forget-Mars-SAF.htm