Le Chatt-el-Arab alias l’Arvandroud
Thomas Pesquet nous propose cette vue avec le commentaire suivant : “Une tempête de sable ! J’avais déjà vu du sable déposé sur les voitures en France hexagonale, et dans ma carrière de pilote on m’avait dit que ça pouvait arriver en volant au-dessus de l’Afrique, mais je n’en avais jamais vu depuis l’espace. Celle-ci a l’air impressionnante… Je me demande combien de tonnes de sable elle a déplacé, et sur quelle distance : une idée @meteofrance ?”.
L’image a été prise le 13 juin 2021 à 13h29, à l’aide d’un Nikon D5 muni d’un objectif de 70 mm ouvert à 10. Le Nord se situe vers 10 heures. L’image couvre une zone d’environ 240 km par 170 km.
Nous sommes au-dessus d’une région aussi mythique que disputée du fait de sa position stratégique d’importance : le Chatt-el-Arab alias l’Arvandroud, chenal du delta commun que forment le Tigre et l’Euphrate et frontière naturelle entre l’Iran et l’Irak. Le Chatt-el-Arab est la suite des multiples confluences entre le Tigre et l’Euphrate dont les eaux finiront leurs courses un peu plus loin à l’aval, dans le golfe Persique !
Au premier coup d’œil, on retrouve au centre du cliché la célèbre ville irakienne de Bassorah. C’est la deuxième plus grande ville du pays et son principal port qui lui donne un accès à la mer. De l’autre côté du fleuve (Arvand), c’est l’Iran dont on aperçoit deux villes d’importance régionale : Khorramchahr et Abadan dans la province du Khouzistan. Khorramchahr se situe à environ 10 km au Nord d’Abadan et se trouve à la confluence de la rivière Karoun (qui provient des monts Zagros) avec le fleuve Arvand. C’est un port en eau profonde important pour l’Iran qui lui permet l’export des produits pétroliers (via des tankers de haute mer) et l’import de marchandises de toutes sortes grâce à la venue de cargos… Abadan, dont l’immense raffinerie est connue dans le monde entier, se situe techniquement sur un île que l’on identifie très bien sur le cliché de Thomas et qui débouche au Sud sur le golfe Persique. Ces deux villes furent plusieurs fois bombardées et détruites durant les différentes guerres que la région a connues ces 40 dernières années…
Le long de ce dense réseau hydrographique, naturel mais également artificiel (il y a des centaines de kilomètres de canaux de navigation et d’irrigation dans toute la région), se trouvent des lacs, des zones marécageuses, des salines… et des champs cultivés ! Comme pour le Nil, le Tigre et l’Euphrate ainsi que leurs affluents sont une bénédiction pour les populations locales et apportent des limons fertilisants les champs en rive droite et en rive gauche. Ici, on cultive le blé, le maïs, le millet, l’orge, le riz mais aussi les dattes et autres fruits et légumes.
Précisons également que la région de Bassorah possède un sous-sol riche en pétrole, ce qui a attisé les convoitises tout au long du XXè siècle. On retrouve sur le cliché de Thomas quelques implantations de puits de forage et quelques raffineries trahies notamment par des panaches de fumées blanches… à ne pas confondre avec la tempête jaunâtre faite de poussières désertique, qui faisait rage depuis quelques jours au moment de la prise de vue, et que l’on aperçoit très bien dans le coin bas droit de l’image.
Gilles Dawidowicz, président de la Commission de Planétologie
Crédits : ESA/NASA–T. Pesquet
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