Christian Lardier, Albert Ducrocq et le Cosmos Club de France

Le Cosmos Club de France (C2F) a été créé par Albert Ducrocq en octobre 1963. Le siège du C2F est d’abord au 21, rue d’Uzès à Paris 2e chez Air & Cosmos, puis il déménage rapidement au 6, rue Laborde Paris 8e. La première manifestation du C2F est une participation au 16e salon de l’enfance du 30 octobre au 11 novembre. Pour ma part, j’ai commencé à m’intéresser à la conquête spatiale lorsque j’ai vu à la télévision la première sortie extra-véhiculaire d’Alexei Leonov le 18 mars 1965 (la transmission était en léger différé). Puis j’ai commencé à acheter « Air & Cosmos » chaque semaine. Il y a eu le Salon du Bourget de juin 1965 avec la visite de Youri Gagarine, mais je n’ai pas eu l’occasion de le voir à cette occasion. Début novembre, je suis allé au Salon de l’Enfance à la Porte de Versailles où il y a avait un stand du C2F : là, j’ai rencontré Albert pour la première fois, j’ai adhéré au C2F et j’ai eu un exemplaire du bulletin spécial n°3. Je n’avais alors que 13 ans. Peu après, le 26 novembre, c’était le lancement du premier satellite français A-1 Astérix. Le premier livre que j’ai acheté sur le spatial était un livre d’Albert : « Plate-forme pour le Cosmos » de 1962.

Le 11 avril 1966, Leonov est venu en France pour deux semaines. Je me rappelle de l’avoir vu, grâce au C2F, à l’exposition Jules Verne au Pub Renault sur les Champs Elysées où il y avait une maquette de Luna-9 qui venait, deux mois plus tôt, de faire le premier alunissage en douceur. Le 15 avril, il rencontre le petit-fils de Jules Verne. Il est à Bordeaux les 22-23 avril, à Sup Aéro à Toulouse le 24 avril, puis à Trieux en Meurthe & Moselle (54750) le 25 avril (maire communiste). Le 27 avril, il assiste à la projection du film « Guerre & Paix » au Kinopanorama de Paris. En 1966/67, j’ai suivi de très près les programmes Gemini et Apollo. En janvier et avril 1967, il y a eu les tragédies d’Apollo-1 et de Soyouz-1, mais autant nous avions toutes les infos côté Américain, autant le secret régnait sur côté Soviétique. Un mystère qui va attiser ma curiosité. Puis je suis allé au Salon du Bourget en juin 1967 pour voir la fusée Vostok qui avait lancé Youri Gagarine. En 1968/69, j’ai fait une pause dans mes activités « spatiales ». Néanmoins, j’étais devant mon écran de télévision pour l’alunissage d’Apollo-11 le 21 juillet 1969 à 4 h 00 du matin.

En 1970, la publication de la “Cosmos Encyclopédie” en 12 volumes commence et j’ai acheté le volume n°1, ce qui m’a replongé dans le spatial. En 1971, je suis retourné dans les conférences du C2F, qui se tenaient à l’époque à la Maison des Centraux, 8 rue Jean Goujon, Paris 8e. En 1972, lors de l’une d’elles, j’ai rencontré Claude Wachtel qui s’occupait des affaires soviétiques. Il m’a demandé si je connaissais les constructeurs Yangel, Babakine et Isaiev qui étaient décédés en 1971 : lui ayant répondu par l’affirmative, il m’a proposé de travailler avec lui. J’ai accepté et cela impliquait d’apprendre la langue russe pour lire la littérature soviétique. Du 28 au 31 octobre 1972, je suis pour la première fois à Moscou où je visite le pavillon Cosmos de la VDNKh et où j’achète mes premiers livres en Russe.

En 1974, j’ai publié mon premier article sur les résultats des sondes martiennes soviétiques dans le Hors Série n°14 de Science et Avenir. C’est cet article que je vais reprendre dans Espace & Temps de septembre prochain pour les 50 ans des sondes Mars-2 et 3. En octobre 1974, je suis allé à mon premier congrès de l’IAF à Amsterdam avec une accréditation du C2F : j’y ai une nouvelle fois rencontré Alexei Leonov qui m’a dessiné le Voskhod-2 sur une feuille de papier. En décembre 1974, à l’occasion de mon mariage, mes collègues m’offrent la souscription à la « Grande encyclopédie soviétique » en 30 volumes.  Mon premier article dans « Cosmos Information » est publié en 1974 : « Résultats médicaux de vols Soyouz-12, 13, 14 et Saliout-3 ». Le second en 1975 est « Molnya et quasi-Molnya » sur les satellites d’alerte avancée.

Le 17 janvier 1976, le bureau principal est élu en assemblée générale avec les responsables suivants : Guy Giami et Alain Hejna pour expositions-manifestations, Alain Souchier pour les programmes américains, Guy Longueville et Christian Lardier pour les programmes soviétiques, Catherine Amiot et Frédéric Maron pour les télécommunications, Dominique Dolisy pour La Terre vue de l’espace, Catherine Sauvin et Charles Frankel pour la planète Mars, Marie Lemaire pour les mondes lointains, Isabelle Grenier et Philippe de la Cotardière pour l’astronomie, Michel Cherrier et Chantal Perrotez pour la biologie, Dominique Le Cornec pour l’étude du temps. A partir de là, Albert nous a régulièrement invité, Claude Wachtel et moi-même, au restaurant pour parler de spatial soviétique. Le rendez-vous était à Europe n°1 et au début, nous allions « Chez Edgar ».

Le 24 avril 1976, Guy Longueville et moi-même présentons les lanceurs soviétiques à la Maison des Centraux. Le 9 juin 1976, nous dînons avec Gérald Carr, astronaute de la mission Skylab-4, au restaurant “L’Orée du bois” au Bois de Boulogne. Le 2 octobre, lors d’une séance spéciale Viking, nous présentons les Mars soviétiques. De 10 au 16 octobre, je suis au congrès de l’IAF à Anaheim (Los Angeles) avec Alain Souchier.

Du 23 mars au 2 avril 1977, le C2F organise le premier festival de l’espace « Cosmos-77 » au centre commercial de Vélizy. En avril 1977, grâce à une simple lettre d’introduction d’Albert Ducrocq, je fus reçu à bras ouverts par l’institut des problèmes médico-biologiques (IMBP) et l’institut des recherches cosmiques (IKI) de Moscou. Je me suis retrouvé dans le bureau d’Oleg Gazenko qui, avec tout son état-major, a répondu à toutes mes questions. Alors que je l’interrogeais sur les vols de chiens sur des fusées géophysiques, il a spontanément demandé la liste de ces vols à sa secrétaire alors qu’elle n’avait encore jamais été publiée. Puis j’ai eu la chance de visiter plusieurs laboratoires de l’institut tant dans Moscou qu’à Khimki. Ensuite, je suis resté en contact avec Gazenko et j’ai pu passer une journée dans sa datcha près de Moscou en 1991. Un moment inoubliable ! De même, lors de ma visite de l’IKI, j’ai rencontré Antoine Mizzi, chef de projet du satellite français Signe-3 qui sera lancé en juin.

Les 7, 8 et 9 juin 1978, le C2F organise le congrès « Espace et Civilisation » à Lyon avec le concours du Cnes, de l’ESA, de la Nasa et de l’IKI. Dix-neuf astronautes et cosmonautes figurent parmi les invités (Shepard, Schirra, Cooper, Lowell, Scott, Gordon, Eisele, Cunningham, Anders, Irwin, Aldrin, Pogue, Roosa, Mitchell, Carr, Duke, Worden, Djanibekov, Makarov). Puis 13 numéros de la revue « Espace et Civilisation » sont publiés entre septembre 1978 et août 1980. Parmi les contributeurs, il y a Christian Lardier, Charles Frankel, Alain Souchier, etc.

En octobre 1978, je suis au congrès de l’IAF à Dubrovnik (Yougoslavie). Là, je rencontre Konstantin Bouchouyev, Youri Semenov, Viktor Legostaiev de l’OKB de Korolev, ainsi que de nombreux cosmonautes, dont Alexei Leonov.

Le 21 avril 1979, je présente Saliout-6 à la Maison des Centraux. A cette époque, Albert publie le livre « La chaîne bleue-A l’écoute des civilisations extra-terrestres » et devient président de SETI-France. Il organise cinq SETI-Games les 3 juin et 7 octobre 1980, 21 janvier et 25 juin 1981, puis le 12 mars 1982. Les résultats sont présentés dans des congrès de l’IAF.

En avril 1981, le C2F réalise le numéro spécial n°34 de Sciences et Avenir sur « 20 ans dans l’espace » (Albert Ducrocq, Christian Lardier, Claude Wachtel, Charles Frankel, Michel Cherrier, etc).

L’opération “Ciel et Spacelab “ est lancée lors d’une séance à la Maison des Centraux le 29 janvier 1983. Le concours est remporté par l’expérience de survol du méridien qui est réalisée par Ulf Merbold pendant le vol de Spacelab-1 en décembre 1983.

Le 30 janvier 1985, une assemblée extraordinaire entérine une réorganisation du C2F. L’association est confiée à l’équipe de “Ciel et Spacelab”, dite de « seconde génération », et le nouveau Secrétaire général est Pascal Lee. Le siège social est transféré au 18, rue Saint-Benoît à Paris 6e (école où travaillaient les parents de Philippe Coué). La revue « Orbite » devient le nouveau bulletin du C2F : le n°44 est publié en décembre 1997. Un groupe de futurs astronautes est formé avec Hélène Givaudin qui est parrainée par Patrick Baudry, et Emmenual Galopeau qui l’est par Claude Nicollier. Le groupe commence la rédaction du bulletin « Astrion ».

En janvier 1986, un numéro spécial d’« Orbite » dévoile les secrets de la fusée soviétique Proton. La première maquette, réalisée par Guy Longueville, est présentée à l’exposition sur les 25 ans de vols habités à la Mairie de Boulogne du 8 avril au 8 juin 1986. Cette maquette est désormais chez moi. Le dossier de presse sur la station orbitale Mir paraît en 1986. En décembre, le C2F réalise le numéro spécial n°61 de « Sciences et Avenir » sur « Les planètes et les hommes » (Hubert Curien, André Brahic, Albert Ducrocq, Pascal Lee, Christian Lardier, Gilles Leblanc, Jean-Loup Bertaux, Philippe Coué, Roger Bonnet, Muriel Farizon, Isabelle Grenier, Audouin Dollfus, Thérèse Encrenaz).

Le C2F organise alors des groupes d’étude de mars à juin 1987 dans les locaux de l’université Pierre et Marie Curie. Ceux sur la cosmonautique, que j’animais, débouchent sur la publication d’un numéro spécial d’« Orbite » sur la fusée Energya, tandis que ceux sur les planètes, animés par Pascal Lee, débouchent sur la publication du dossier « Des planètes et des hommes ». Du 3 au 30 octobre, le C2F organise une manifestation avec le centre culturel de Mulhouse. Un numéro spécial d’« Orbite » sur les 30 ans de l’ère spatiale est publié en octobre. Le premier prix du C2F m’est remis pour mon activité au sein de l’association.

Fin 1987, Pascal Lee est remplacé par Philippe Coué au poste de Secrétaire général. Fin 1988, il est remplacé par Patrick Leinot.

Le dossier de presse sur la mission Phobos paraît en mai 1988. Le 9 juillet, une assemblée extraordinaire décide de la création d’un Phobos Center qui publiera une lettre d’information régulière : 10 numéros de « La lettre de Phobos » seront publiés entre février 1989 et décembre 1990. Le second prix du C2F est remis à Claude Wachtel en 1988.

En janvier 1989, le numéro spécial d’« Orbite » sur Bourane est publié : ce numéro aura, selon Philippe Coué, une influence dans son embauche chez Dassault.

Puis l’édition spéciale n°1 d’« Orbite » « Comment l’URSS a perdu la course à la Lune » est réalisée par Claude Wachtel et Patrick Leinot le 3 septembre 1989. C’était la première fois que nous avions des révélations sur le programme soviétique d’homme sur la Lune N1-L3 !!

En 1990, le C2F lance l’opération « Drapeau de la Terre » d’après une idée d’Hélène Givaudin. Le concours, organisé avec Europe n°1, « Air & Cosmos » et « l’Express », arrive à son terme le 30 mai 1991. Le prix est remis lors d’une cérémonie au salon du Bourget le 15 juin 1991. Le drapeau, qui sera longtemps chez Albert au 15 rue Garibaldi Paris 15e, sera récupéré par Myriam Humetz qui, plus tard, me le remettra : il est aujourd’hui dans le bureau de l’IFHE au Cnes. En février 2016, il a volé sur l’Airbus Zero-G de Novespace grâce à Jean-François Clervoy. Pour leur part, Claude Wachtel et Philippe Roy l’ont emmené au Pôle Nord magnétique lors d’une expédition en mai 1992.

En 1992, j’ai publié mon premier livre « L’astronautique soviétique » chez Armand Colin. C’était une collection dirigée par Albert Ducrocq, la préface étant d’Hubert Curien. Pendant la période soviétique, le spatial était un secteur « classifié » : seuls les succès étaient exploités pour la propagande. Mais à partir de la Glasnost (transparence) de Gorbatchev, la véritable histoire a commencé à être dévoilée. J’ai donc profité de cette opportunité pour ré-écrire l’histoire à la lumière de la « déclassification ».

En 1993/94, Pierre-François Mouriaux (PIF) travaille comme chargé des activités Espace chez Aloïse à Evry. Fin 1993, il organise, avec Arnaud Marsollier, le C2F-Jeunes (section benjamine). C’est l’équipe dite de « troisième génération » du C2F. En janvier 1994, devenu le Délégué Action Jeunesse, il créé l’« Orbite de transfert (GTO) » pour permettre aux jeunes de la section benjamine d’être au cœur de la revue. En avril 1995, le « GTO » est transformé en « Intercosmos, l’interface du C2F ».

En août 1994, je suis embauché par « Air & Cosmos » pour remplacer Pierre Langereux comme chef de rubrique spatiale. Il m’avait fait cette offre lors du congrès IAF de Graz en Autriche en Octobre 1993 et je l’avais acceptée. J’avais alors négocié mon départ d’Air France, où je travaillais depuis 20 ans, avant de signer le contrat pour mon nouvel emploi. Auparavant, j’étais pigiste chez Aviation Magazine depuis 10 ans. Mais en 1992, « AviMag » avait été racheté par Robert Monteux, du groupe Le Revenu Français, qui possédait « Air & Cosmos » depuis octobre 1990. Je devins donc automatiquement pigiste pour « Air & Cosmos » en mars 1992 (reportage du lancement de K-D Flade à Baïkonour). Au début, j’apportais mes articles à Pierre Langereux au 6 rue Anatole de la Forge Paris 17e. Mais à mon embauche, le journal avait déménagé au 1bis avenue de la République Paris 11e. Là, je deviens la personne qui reçoit, chaque semaine, la tribune d’Albert qui fait partie de ma rubrique. Régulièrement, je déjeunais avec Albert dans un des restaurants de la place de la République. Et cela jusqu’à sa disparition le 22 octobre 2001. Mais la condition de mon embauche était de ne me consacrer qu’au journal à temps plein, c’est-à-dire que je devais abandonner mon soutien logistique au C2F et laisser le Club se débrouiller tout seul.

Le 1e janvier 1995, PIF est embauché comme responsable du secteur espace de l’ANSTJ à Ris-Orangis. Peu après, Patrick Leinot est remplacé par Pierre-François Mouriaux qui dirige l’équipe des jeunes (Jean-Pierre Nouaille devient trésorier). Le 1e octobre 1994, Patrick Leinot reçoit le 3e prix du C2F. L’activité de ces jeunes est alors notamment consacrée à la réalisation d’expériences qui seront emportées dans l’espace par Claudie Haigneré dans le cadre de la mission Cassiopée d’août 1996.

En mai 1996, un numéro d’« Intercosmos » publié sous la responsabilité d’Olivier Bergeret indique : « NON le Cosmos Club n’est pas mort… » !! Puis les deux derniers « Orbite » sont publiés en mai et décembre 1997. Dans celui de mai, il y a un « Intercosmos » avec le mode d’emploi du site internet du C2F. Dans celui de décembre, il est indiqué que le C2F fête ses 35 ans, qu’il a été décidé de ne plus procéder à l’appel à cotisation pour 1998 et que le prochain « Orbite » sortira en septembre 1998. Mais en fait, il ne sortira jamais !!

En 1999, PIF est embauché comme attaché de conservation Espace au Musée de l’air et de l’espace du Bourget. Pour ma part, je suis co-fondateur, avec Albert Ducrocq, de deux nouvelles associations : l’Institut français d’histoire de l’espace (IFHE) en mars 1999 dont Albert est vice-président, puis l’Association Planète Mars (APM) en mai 2000 dont Albert est président d’honneur. Pif, en décembre 2011, a créé l’association « Histoire d’espace » et, en février 2019, a re-créé la Commission Astronautique et Techniques spatiales de la Société astronomique de France (SAF).

Après la disparition d’Albert le 22 octobre 2001, Claude Wachtel et moi-même avons été invités à déjeuner avec Mme Lucie Ducrocq, veuve d’Albert, et sa fille Chantal que je connaissais parce que j’avais été membre du jury de son doctorat de pharmacie en décembre 1987. La famille m’avait prêté des documents et photographies pour écrire une biographie officielle d’Albert que j’ai rédigé, puis présenté au congrès de l’IAF d’octobre 2002 à Houston. Puis le 13 décembre 2002, la 3AF a formé un jury pour attribuer le premier prix Albert Ducrocq. Ce jury m’a attribué ce prix qui m’a été remis par le ministre Hubert Curien le 21 juin 2003 au Salon du Bourget. Le 16 septembre 2004, le 2e prix est remis à Alain Souchier. Mais, le 20 septembre 2004, il a été décidé d’arrêter ce prix.

Christian Lardier