La sidérite de Toluca
La sidérite de Toluca, type IAB, trouvée au Mexique vers 1776, à Jiquipilco, près de Toluca. Environ trois tonnes ont été retrouvées. Bien que relativement courante, elle se rencontre peu sur le marché consacré. Cette sidérite a été largement utilisée par les locaux pour réaliser leurs outils et armes.
Ce spécimen de 910g fait partie de mon premier achat auprès de Fabrice Kessler au tout début des années 2000. Il offre une sympathique particularité. Ce n’est certes pas une beauté esthétique, mais il présente des figures de cristallisation ou de Widmanstätten, ou de Thomson, de haut relief générées par l’acidité naturelle du sol qui l’a accueilli. Ces structures en relief sont peu courantes, et nous offrent l’occasion de les admirer en 3D.
Cette sidérite est en collection depuis près d’un quart de siècle, et elle n’a pas évolué (oxydation) d’un iota ! Elle est recouverte d’une légère patine d’oxydation peu épaisse. Vous pourrez constater la présence de ces structures de cristallisation en relief sur une grande partie de ce spécimen! Les aiguilles de cristallisation bien saillantes sont bien solides, et ne se désagrègent pas sous la poussée de l’ongle!
Pour donner un peu plus de charme à cette Toluca de 910g, je me suis attelé à un polissage partiel de sa surface, suivi de son traitement de révélation, afin qu’elle mette en évidence sa magnifique trame de Widmanstätten. La présence d’une belle inclusion de graphite a passablement empâté la meule (le graphite est tout de même sacrément plus tendre!). Après un temps certain, un polissage suivi du traitement à la liqueur idoine donne le résultat que vous découvrez… ! Ces figures sont tout à fait conformes à celles de Toluca. De plus, ce qui ne gâche rien, elles sont d’une rare beauté! Le meulage et le polissage ont fait perdre 5 g à ce spécimen, ce qui porte désormais son poids à 905g.
Toluca est une octaédrite grossière qui contient ~90,5% de fer et 8,1% de nickel. Elle serait tombée il y a environ 10000 ans. Les figures, appelées “figures de Widmanstätten”, que j’ai révélées après un polissage et un traitement à l’acide nitrique dilué dans de l’alcool à 95°, montrent la structure cristalline du métal, conséquence de son long refroidissement dans l’espace, de l’ordre de quelques degrés à quelques dizaines de degrés par million d’années. Ses différents éléments se sont séparés. C’est en fait une démixtion d’un alliage initialement homogène dont les deux principaux éléments sont la kamacite grisâtre, pauvre en nickel, et la taénite sous forme de bandes plus claires, qui en est riche, voire très riche jusqu’à 65%.
Notons que la largeur et la disposition de ces structures cristallines nous renseignent sur la dimension originelle des corps parents. Ces figures n’existent pas sur Terre dans la sidérurgie, ou alors sous formes microscopiques sous certaines conditions de refroidissement et de composition d’alliages. Lorsqu’elles sont détectées lors des contrôles qualité, elles sont peu appréciées des métallurgistes en raison de leur structure fragile… direction le rebut, le recuit, ou la refonte..
Patrice Guérin, Commission Météores, Météorites, Impactisme de la SAF
Membre de la SAT, Société Astronomique de Touraine.
Membre du CIRIR : Centre international de Recherche & Restitution sur les Impacts et sur Rochechouart