L’ astroblème de Rochechouart-Chassenon

Il y a environ 200 millions d’années, à la fin de la période du Trias, un astéroïde d’environ 1,5 km de diamètre percutait la Terre à une vitesse de ± 20 km/sec au lieu-dit «La Judie» sur le territoire de Pressignac, en Charente, près de Rochechouart, en Haute-Vienne. Je dois vous dire qu’à cette époque, les pays et les départements n’existaient pas encore. Le climat y était chaud, et la France était en partie immergée. La région était peuplée des ancêtres des dinosaures, de reptiles volants, et des premiers mammifères, qui ne ressemblaient pas du tout à notre faune actuelle.

Il y a 250 millions d’années, il n’existait qu’un seul continent ; la Pangée (fig. 1). C’est à partir de la fin du Trias, il y a environ 200 millions d’années, que les continents ont commencé à se former, ou à se séparer, selon le principe de la tectonique des plaques, théorie d’Alfred Wegener.

L’impact, d’une puissance estimée entre 15 à 20 millions de fois celle de la bombe d’Hiroshima, provoqua un effet de souffle dévastateur, des projections de débris en fusion générant des incendies, des émissions de gaz toxiques, et effaça toute vie dans un rayon d’environ 100 à 150 km. Un cratère d’environ 23 km de diamètre, peut-être jusqu’à 50 km, et d’environ 700 m de profondeur se forma. Le socle cristallin fut fortement ébranlé et modifié sur plus de 5 km de profondeur, entraînant une réaction sismique et tsunamique. N’oublions pas que le lieu de l’impact, était à l’époque, en bordure de mer ! Ci-joint un document en pdf réalisé par le professeur Philippe Lambert (qu’il en soit vivement remercié) en guise de scénario possible.

La roche du socle a été disloquée, fondue, et éjectée à des dizaines de km d’altitude tandis que l’astéroïde s’est instantanément sublimé dans sa totalité. Quelques minutes après l’impact, les débris éjectés, véritable nuée ardente constituée de matériaux terrestres et des vapeurs provenant de la sublimation de la météorite, sont retombés sur place en se mélangeant. Des éjectas retombèrent également à plus de 200 km.

L’impacteur pouvait être une chondrite assez riche en fer, ou un corps métallique (Fer-Nickel), ou encore un corps mixte. (Les débats sont toujours ouverts.)

Aujourd’hui, il ne reste plus de trace du cratère. L’érosion a fait son œuvre. Mais il reste ces roches de texture particulière, qu’on appelle « brèches », résultant de l’agglomération de roches de différentes lithologies qui constituaient le socle avant l’impact, et qui constituent désormais le socle actuel. Elles sont de types différents et portent le nom des villages où elles se sont formées en retombant : Rochechouart, Montoume, Babaudus, Chassenon (fig. 3-4-5). Elles ont également servi à la construction du château de Rochechouart, de l’église avec son célèbre clocher tors, des thermes gallo-romains de Chassenon (Cassinomagus) et des nombreux villages environnants, ainsi qu’à celle de sarcophages tout au long du Moyen Âge (réputés pour la conservation des corps). Des fragments de roches disloqués de même lithologie se sont également agglomérés sur place pour former des brèches dites de dislocation (fig. 6). Allez visiter les thermes de Chassenon et l’Espace Météorite de Rochechouart qui a récemment fait peau neuve, vous ferez un inoubliable voyage historique et géologique à travers la présentation de l’astroblème.

Je dois rajouter que l’on a longtemps cru à l’origine volcanique de ces étranges brèches. L’origine météoritique du cratère de Rochechouart n’a été confirmée que très récemment, en 1969, grâce à la découverte par François Kraut (fig. 7), de traces de métamorphisme de choc sous la forme de cônes de percussion, ou shatter cones (fig. 10), indices irréfutables d’un impact météoritique majeur. François Kraut, géologue et minéralogiste au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, avait également enseigné à Limoges. Parallèlement, il découvrit, en 1967, deux fragments de la météorite de Saint-Séverin lors de leur campagne de recherches.

Dans les années 1970, les travaux d’un jeune chercheur, Philippe Lambert, ont également contribué à la compréhension de cet événement majeur. Dans une publication de 2010, Philippe Lambert émet l’hypothèse que le cratère pourrait avoir atteint un diamètre jusqu’à 40-50 km, plus grand que les 23 km référencés dans la littérature. L’astroblème de Rochechouart est l’un des plus anciens d’Europe, et compte parmi les plus gros impacts majeurs que notre Terre a subis depuis sa formation. En cela, la région recèle une source inestimable d’informations à venir avec les moyens actuels d’investigations de plus en plus puissants. (Une campagne de prélèvements par carottages s’est terminée en décembre 2017, ouvrant la voie à de nouvelles investigations pour les chercheurs du monde entier. Pour cela, le CIRIR, Centre International de Recherche sur les Impacts et sur Rochechouart à été créé en 2016. Il a pour directeur le Pr Philippe Lambert.)

L’astroblème de Rochechouart est une structure d’impact terrestre qui a été identifiée uniquement par l’observation des effets du choc sur les roches alors que son cratère a totalement disparu. Depuis le 18 septembre 2008, le site est classé sous l’appellation Réserve naturelle nationale de l’astroblème de Rochechouart-Chassenon. Cette réserve de cinquante hectares est gérée par la communauté de communes du Pays de la Météorite.

Les preuves irréfutables d’un impact météoritique majeur, en l’occurrence l’impact de Rochechouart-Chassenon en Charente /Haute Vienne, il y a ~200 millions d’années

Les critères qui définissent un cratère d’impact météoritique sont :

1- Les quartz qui ont subi une énorme pression (entre 10 et 35 GPa) pour présenter des lignes de déformations planaires seulement visibles au microscope à fort grossissement (fig. 8-9). « Éléments de déformation planaire (en anglais PDFs, planar deformation features ). L’apparition d’éléments de déformation planaire (PDFs) dans des grains minéraux nécessite une pression de 10 à 35 GPa (100 à 350 kbar). Il s’agit de plans de dislocation très fins et très rapprochés, développés notamment dans des cristaux de quartz […]. Ces quartz « choqués » se trouvent soit en place ou « sub en place », au sein de brèches monolithologiques de dislocation [……..] ou de filons de microgranite renfermant des cônes de percussion, soit au sein de brèches polylithologiques de retombée. » Voir : https://planet-terre.ens-lyon.fr/…/metamorphisme…

Figure 9 : un cristal de quartz photographié sur une lame mince d’impactisme de Chassenon (G=1200x), et une vue du même cristal qui ne mesure que 0,45 mm de largeur …
Sur plusieurs lames minces d’impactisme de Chassenon en ma possession , seule une présentait ce cristal de quartz caractéristique. C’est dire sa rareté effective !…

2 -Les Shatter cones, ou cônes de choc, ou cônes de percussion (10) :

Les shatter cones sont un des effets les plus spectaculaires des impacts météoritiques. Ce sont des fractures coniques généralement développées dans des roches à grains fins. Leur faciès se présente sous forme des stries longitudinales en queue de cheval qui les caractérisent. Ils s’imbriquent les uns dans les autres, et leur hauteur varie de 1 cm à quelques mètres.
Les shatter cones se développent isolément ou en groupe lorsque l’onde de choc produite par l’impact traverse la masse de la roche. Lors de leur formation, ils pointent en principe en direction du point d’impact, mais ce n’est pas systématique ; tout dépend de la composition du sous-sol qui peut perturber la propagation de l’onde de choc, et engendrer une désorientation des cônes qui peuvent alors pointer dans de multiples directions.

Les shatter cones indiquent de façon indéniable la présence d’un site d’impact majeur. (Les événements terrestres, séismes, volcanisme, ne peuvent générer de tels effets.)
C’est d’ailleurs grâce à la découverte de shatter cones sur le site du cratère de Rochechouart que François Kraut, géologue au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, accompagné d’Eugène Raguin et des géologues américains Bevan French, Kurt et Becky Fredriksson, a définitivement mis en évidence l’origine météoritique du cratère le 14 août 1969.

Ces éléments issus de notre astroblème national sont les preuves absolues d’un événement météoritique majeur.

Pour plus d’informations, je ne peux que vous conseiller l’excellent article de Wikipédia, le plus complet qui soit : https://fr.wikipedia.org/wiki/Astrobl%C3%A8me_de_Rochechouart-Chassenon

Les éléments de déformation planaire présentés dans cette publication sont le fruit de longues heures de travail personnel sur une lame mince d’impactisme de Chassenon (Charente). Aussi je vous serais reconnaissant de respecter la propriété intellectuelle de ces documents.

Patrice Guérin,
S.A.F – (membre de la commission Météorites).
C.I.RI.R
S.A.T – Société Astronomique de Touraine.
Vigie-Ciel Astrolys.