UN COLLECTIONNEUR DE MÉTÉORITES 

Patrice Guérin, membre de la commission des météorites, météores et impactisme de la SAF a le plaisir de nous présenter quelques météorites de sa collection personnelle. Patrice a exposé récemment sa collection à la bibliothèque de Cerizay dans les Deux-Sèvres. Il exposera quelques météorites et donnera une conférence le samedi 2 juin au festival du Mange-Cailloux à Mortagne-sur-Sèvre (85).

La météorite Campo del Cielo

Cette météorite est une sidérite (météorite métallique) de type octahédrite IAB, composée principalement de fer et de nickel. C’est une chute multiple, conséquence de la fragmentation de sa masse lors de son entrée dans les hautes couches de l’atmosphère. La masse pré-atmosphérique est estimée à environ quatre mètres de diamètre. Celle-ci se serait détachée de son corps parent dans la ceinture d’astéroïdes suite à une collision, et aurait entamé un périple dans le système solaire avant de croiser l’orbite de la Terre (géocroiseur de classe Apollo), et de percuter violemment le sol argentin il y a de cela 4200 à 4700 ans. L’âge de la météorite elle-même est d’environ 4,5 milliards d’années.  Le lieu de la chute couvre une ellipse de 18,5 km sur 3 km. L’angle d’arrivée de la météorite était de seulement 9° venant du sud-ouest, ce qui explique son ellipse de chute très allongée. Un champ de vingt-six cratères en résulta, dont le plus grand mesure 115 m sur 91 m. Ce lieu est connu sous le nom de Campo del Cielo, ou Champ du Ciel.


Une garnison espagnole découvrit le premier fragment de cette chute en 1576, dans la province du Gran Chaco, au nord-ouest de Buenos Aires. Les habitants locaux utilisaient déjà ce fer pour forger leurs outils et leurs armes. Le plus gros fragment « El Chaco », d’un poids de 37 tonnes, est exposé près du cratère où il a été découvert. Un dernier fragment, « Gancedo », de plus de 30 tonnes, a été mis à jour en septembre 2016.
Campo del Cielo nous offre parfois de très beaux spécimens comme celui représenté sur la photo ci-dessus, d’un poids de 68 kg, et qui montre encore des traces de sa croûte de fusion, et une surface tourmentée par sa traversée atmosphérique. (En collection depuis le 9 janvier 2017).

La météorite Tafassasset
Cette météorite est une des plus problématiques qui soient.  Elle fut dans un premier temps classée « achondrite primitive », ou brachinite. Tafassasset rassemble 26 pierres trouvées dans le désert du Ténéré (Niger, entre 2000 et 2001). Cette météorite nécessite encore des investigations pour être définitivement classée car elle présente de grandes hétérogénéités de texture et de composition selon les échantillons analysés.
Tafassasset a été classée:
– comme une chondrite CR6 (7?) métamorphisée en rapport avec d’autres chondrites CR de type Renazzo,
– comme une achondrite primitive proche de LEW 88763 et d’autres brachinites.


Elle est très riche en olivine et extrêmement riche en fer. Elle présente une forte recristallisation. Certains y ont observé des vestiges de chondres, ce qui n’est pas le cas dans cette lame mince présentée ici. Entre une chondrite (CR) 6 (7), et une achondrite primitive, l’écart n’est peut-être pas si grand. Elle pourrait être le « lien » entre les planétoïdes chondritiques et les planétoïdes différenciés. Peut-être un corps parent en limite de taille pour avoir amorcé un processus de différenciation sans pouvoir l’achever? (Fusion partielle à l’intérieur du corps parent?…)
Elle mériterait une classification à elle seule :

https://www.lpi.usra.edu/meteor/metbull.php?code=23779
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0016703712000373

Ci-dessous : Lame mince de la météorite Tafassasset. (Photographie : Patrice Guérin)

Une chondrite ordinaire
Cette plaque de chondrite ordinaire que j’ai acquise dans les années 2000 offre une jolie particularité. En effet, elle présente un véritable festival de chondres, ces sphérules qui se sont formées en micro-gravité lors de l’effondrement de la nébuleuse primordiale il y a ~ 4,566 milliards d’années. Cette chondrite que l’on peut qualifier de primitive, car elle est très peu métamorphisée, nous renseigne sur la structure des planétésimaux lors de leur accrétion dans le tourbillon du disque protoplanétaire.

Une chondrite extraordinaire !
Encore plus primitive, la météorite tombée à Allende au Mexique le 8 février 1969. C’est une chondrite CV3 qui contient des éléments antérieurs à la formation du système solaire. (Inclusions réfractaires claires riches en calcium et en aluminium appelées CAIs bien visibles sur la photo ci-dessous.) Cette météorite est la « Pierre de Rosette » de la planétologie.

Histoire d’achondrite
Vesta est un des plus gros astéroïdes différenciés (530 km de diamètre) qui gravite dans la fameuse ceinture des astéroïdes entre Mars et Jupiter. Il y a un peu moins d’un milliard d’années,  lors d’une collision avec un autre astéroïde, Vesta a perdu une partie de sa matière. Ses débris « vestoïdes » arrivent de temps à autre sur notre bonne vieille Terre …
La météorite Millbillillie ci-dessous est une achondrite eucrite (basalte) qui est censée provenir de l’astéroïde Vesta. (Pierre complète ainsi qu’une tranche qui montre sa lithologie.)

Seymchan,  une météorite particulière
En 1967, dans le district de Magadan (ex URSS) est trouvée une sidérite de type IIE d’une masse de 312kg. Une nouvelle trouvaille, sous forme de pallasite, est mise à jour en 2004.
Les pallasites, dont l’origine pourrait être l’interface noyau / manteau d’un astéroïde différencié, sont composées de grains automorphes d’olivine « noyés » dans une matrice de fer / nickel. Ce sont les plus belles météorites qui soient.


Ci-dessus, la « version » sidérite IIE de la météorite de Seymchan. Cette tranche polie et traitée présente de magnifiques figures de cristallisation (ou de Widmanstätten) qui témoignent du refroidissement extrêmement lent de son corps parent. Ci-dessous, la « version » pallasite. Noter la couleur des olivines.