Boca Chica Village, un simple lieu-dit
Thomas Pesquet nous propose cette vue avec le commentaire suivant : “Ça n’a peut-être l’air de rien comme ça, mais une partie de l’histoire de l’exploration est en train de se faire dans cette photo du sud du Texas – Boca Chica/Starbase ! Les ingénieurs de SpaceX y travaillent d’arrache-pied sur la fusée qui nous emmènera sur la Lune”.
L’image a été prise le 28 mai 2021 à 20h46, à l’aide d’un Nikon D5 muni d’un objectif de 1150 mm ouvert à 9. Le Nord se situe vers 16 heures. L’image couvre une zone d’environ 15 km par 10 km.
Nous sommes sur la bordure occidentale du golfe du Mexique, pile à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, parfaitement délimitée ici par le tracé du Rio Grande, le célèbre fleuve nord-américain, dont l’embouchure est bien visible entre les nuages, sur ce cliché. Et pour être totalement complet, nous sommes précisément à l’extrémité Sud du Texas.
Comme le précise Thomas Pesquet, le cliché est centré sur le port spatial de Space X, la société du célèbre entrepreneur milliardaire Elon Musk, que l’on nomme Space X South Texas Launch Site, communément appelée Boca Chica. C’est ici que la startup du New Space conçoit, construit et opère (tests et lancements) les prototypes de son énorme fusée, la Starship.
Boca Chica Village est ce que l’on appelle aux Etats-Unis, une “unincorporated area” c’est-à-dire une petite communauté non constituée en municipalité du fait de l’absence d’urbanisation, de sa faible densité de population et de son isolement. En somme, c’est un lieu-dit, uniquement rattaché au comté de Cameron, dans l’État du Texas.
Mais revenons au cliché de Thomas Pesquet et zoomons sur l’image. L’entrée du site de lancement se situe à environ 500 m du rivage. C’est la zone claire presque rectangulaire au centre de l’image. On reconnait sans difficulté les infrastructures de Space X qui ne cessent de s’agrandir dont les deux pas de tirs suborbitaux très sommaires (en fait des dalles en béton recouvertes de treillis en acier), on devine les réservoirs de gaz liquides et les bâtiments associés, on retrouve la plateforme d’atterrissage qui elle aussi est une simple dalle en béton, on devine le Starhopper posé juste à l’entrée du site comme une pièce d’un musée à ciel ouvert, et enfin le pas de tir des lancements orbitaux plus conséquent.
Space X a été fondée en 2002. Moins de 10 ans plus tard, il semble qu’Elon Musk a la volonté de posséder sa propre base de lancement, de sorte à être totalement autonome et de ne dépendre de personne. Rapidement, il porte son dévolu sur le Texas et commence à acheter des terres autour de Boca Chica Village pour finalement en posséder plus de 40 hectares aujourd’hui. Il démarre rapidement d’importants travaux de stabilisation du sol : en effet, comme on peut le constater sur le cliché de Thomas, toute la zone littorale est marécageuse, faite de bancs de sable déposés là sous les assauts de l’océan (au fil des tempêtes et des régressions et transgressions marines) mais aussi des cours d’eau et du Rio Grande dont l’embouchure se situe à moins de 5 km à vol d’oiseau. Notez les méandres du fleuve formés juste avant l’embouchure, signe que la pente est ici très faible, et surtout notez les bras morts isolés du chenal actuel, mais qui sont toujours en eau ! Nous sommes à peine au-dessus du niveau actuel de la mer…
Pour terminer cette description, comment ne pas revenir sur la fin du commentaire de Thomas Pesquet et son allusion à la Lune ? A n’en pas douter, le seul astronaute français du corps européen est donc candidat pour une mission sélène. Voilà une bonne nouvelle qui n’est toutefois pas une surprise tant sa motivation est intacte depuis le premier jour de sa sélection en 2009 ! Mais si les ambitions américaines et chinoises pour gagner la Lune sont clairement affichées, il y a encore énormément de chemin à parcourir et … de budgets à mettre sur la table.
Aussi, peut-être verrons-nous des humains sur la Lune dans la décennie à venir, peut-être pas, mais au-delà de savoir quel véhicule les y conduira, une seule question reste à ce jour sans réponse : retourner sur la Lune, mais pourquoi faire ?
Gilles Dawidowicz, président de la Commission de Planétologie
Crédits : ESA/NASA–T. Pesquet
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