Aux sources du Nil, le lac Albert
Thomas Pesquet nous offre une nouvelle vue prise depuis l’ISS, en postant sur les réseaux sociaux ce cliché avec le commentaire suivant : “Le lac Albert, situé à la frontière entre l’Ouganda et la République démocratique du Congo, est le 7e plus grand lac d’Afrique. Il apparaît sous les ailes rondes (enfin, plutôt les panneaux solaires) de notre cargo Cygnus arrimé sur la partie inférieure de la Station spatiale. Le chanceux profite d’une terrasse ombragée avec vue… sur la Terre ”.
L’image a été prise le 28 avril à 10h33, à l’aide d’un Nikon D5 muni d’un objectif de 28 mm ouvert à 13. Le Nord se situe vers 2 heures.
Nous sommes effectivement entre Ouganda et République Démocratique du Congo puisque la frontière entre les deux pays passe exactement au milieu du lac, dans sa grande longueur, comme c’est souvent le cas un peu partout sur Terre. Les hommes aiment créer des frontières en utilisant souvent les formations géomorphologiques naturelles pour se faire. Évidemment, à 420 kilomètres d’altitude, cela n’a pas toujours beaucoup de sens… et n’est pas d’une évidence flagrante ! Mais croyez-moi, il y a bien une frontière ici.
Ce grand lac se nomme le lac Albert (à ne pas confondre avec le lac Albert australien), en hommage à Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, prince consort et époux de la reine Victoria, décédé 2,5 ans avant sa découverte en mars 1864 par l’explorateur anglais Samuel Baker. Situé à 620 m d’altitude environ, et long de près de 160 km pour 35 à 40 km de large selon les endroits, le lac Albert a une profondeur maximale de 50 m. Ce lac est le plus septentrional des lacs alignés de la vallée du Grand Rift et associés au système de failles est-africain.
La vallée du Grand Rift, longue de 3000 km et découverte en 1894 par l’explorateur écossais John Walter Gregory, est un ensemble de failles tectoniques et de volcans plus ou moins continus participant à la découpe des plaques lithosphériques africaine, somalienne, indienne et arabique. Les failles coupent notamment en deux la Corne de l’Afrique.
Mais revenons au lac Albert. Il est principalement alimenté par le “Nil Victoria” provenant du lac Victoria au Sud-Est et la rivière Semliki qui provient du lac Edouard au Sud-Ouest. On distingue dans la partie gauche du lac (à l’extrémité Sud dans la réalité) de vastes marécages. A l’extrémité droite du lac, en République Démocratique du Congo, se trouvent les monts Bleus, une chaîne de montagnes culminant à 2000 m située au Nord-Ouest du lac Albert dans la réalité. C’est ici que la ligne de partage des eaux se dessine entre le bassin versant du Congo et celui du Nil.
Gilles Dawidowicz, président de la Commission de Planétologie
Crédits : ESA/NASA–T. Pesquet
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