In memoriam Gino Farroni (11/12/1928-15/12/2024)
Gino Farroni dans son observatoire en 2023. Crédit : Patrick Guibert
« Monsieur Sagot, donnez une lunette à ce jeune ! C’est comme cela que Gabrielle Flammarion m’accueillit au siège de la SAF, rue Serpente. J’ai pris la lunette de 76 mm et je suis parti ; je n’ai même pas signé de décharge ! » Gino Farroni me racontait souvent cette anecdote. C’était en 1956, année de son admission à la Société astronomique de France. Il a rendu la lunette l’année suivante après un apprentissage intense de l’observation astronomique. Fasciné dès sa jeunesse par les merveilles de l’Univers et ses mystères à la suite de lectures, il avait sauté le pas de l’engagement scientifique.
Dans le monde de l’astronomie, dans ce siècle et dans le précédent, Gino a été une personne qui a compté par son influence, ses réalisations avec une passion qui ne se démentira pas. Passion de l’étude et de la découverte, mais aussi passion de la diffusion des connaissances astronomiques.
Installé en Touraine, il y est à l’origine de la création du premier groupement d’amateurs astronomes en 1973 : le club du Beffroi à Tours-Nord qui donnera naissance à la Société astronomique de Touraine. Il initie des jeunes à la pratique de l’observation astronomique, aux techniques de fabrication d’instruments optiques et apporte les connaissances nécessaires.
A la même époque, il intègre la commission des études planétaires de la Société astronomique de France. Ses observations commencent à être publiées. Mais c’est après sa prise de retraite d’officier mécanicien de l’Armée de l’air que son énergie va se déployer. Il comprend que pour observer le ciel efficacement, il faut un grand télescope. Dès le début des années 1980, il entreprend, dans son jardin à Saint-Avertin, près de Tours, la construction d’une coupole qui abritera un instrument équipé d’un miroir de 41 cm de diamètre. A cette époque, c’est un des plus grands télescopes d’amateurs en France et c’est une œuvre collective qui a mobilisé les amis et toute la famille.
En 1985, cet observatoire est opérationnel ; Gino élargit ses champs d’observation. C’est à ce moment que nous nous rencontrons. Je venais de créer la Commission des étoiles doubles à la SAF. et les projets étaient nombreux. Nous nous retrouvons alors à Bordeaux, à Strasbourg, à Bruxelles, au Pic du Midi. Nous concevons un micromètre pour mesurer la séparation des étoiles binaires. Un de ces exemplaires est maintenant à l’observatoire Flammarion de Juvisy. Le télescope de Gino était de bonne qualité. Je suis venu observer à Saint Avertin plusieurs fois, accueilli par Alice, son épouse. Notre compagnonage à continué avec la revue Observations et Travaux, dont j’étais le rédacteur en chef, jusqu’à ce que j’arrive à Tours.
Gino était un voyageur, pas seulement dans les étoiles, mais pour observer les phénomènes astronomiques : des éclipses en Amérique, la comète de Halley à la Réunion entre autres.
A Saint-Avertin, il devient un des spécialistes internationaux de la planète Jupiter qu’il photographie puis image avec les premières caméras numériques au début des années 1990. Audoin Dollfus, le célèbre astronome des planètes lui rend visite rue du Puits Coellier pour admirer l’observatoire. La SAF le distingue et il est élu à son conseil en 1997 pour un mandat. Les planètes puis les astéroïdes sont les intérêts de Gino qui se partage entre son observatoire et Alice, son épouse, malheureusement handicapée par un accident vasculaire.
La passion de l’enseignement et de la transmission continue à partir son observatoire puisqu’il crée son assoociation locale, l’Association astrononomique Saint Avertinoise, en liaison avec le site municipal de Cangé, jusqu’en 1996.
Il est parti en laissant un télescope orphelin, mais notre mémoire de Gino Farroni se perpétuera grâce à ses nombreuses publications dans l’Astronomie, Observations & Travaux et articles de journaux, mais aussi par les nombreuses personnes avec qui il a oeuvré pour l’astronomie ou qu’il a formés. Au nom de la SAF, longue vie à toi, Gino.
Pierre Durand
Cher Gino,
Il y a plus de 43 ans, lors d’une de tes interventions au collège Anatole France à Tours, tu as allumé en moi une flamme qui n’a jamais cessé de brûler : l’amour pour l’astronomie. Je me permets de t’écrire aujourd’hui pour te rendre hommage, car sans toi, je n’aurais probablement jamais découvert cette passion qui fait désormais partie intégrante de ma vie.
Tu as été bien plus qu’un astronome amateur ; tu as été un pédagogue hors pair, un passionné exceptionnel, et un mentor précieux. À travers tes yeux brillants de curiosité, tu m’as fait découvrir l’univers de la planétologie. Tu as su, avec une pédagogie rare, transformer la complexité des observations des planètes en un langage simple et accessible. L’observatoire du Puy Coellier, avec le 400 mm de ta conception et fabrication, était un lieu exceptionnel pour le jeune que j’étais.
Ce qui me touche le plus, c’est ta capacité à transmettre bien plus que des connaissances. Tu as su partager ton enthousiasme, ton émerveillement, et cet amour pur de l’observation. Ta patience, ton écoute et ta bienveillance ont fait de chaque rencontre une expérience unique, marquée par ta passion de Jupiter et les joies de la mécanique.
Tu m’as guidé avec sagesse, et chaque échange avec toi a été un pas de plus vers cette passion. Tu as été un véritable mentor, capable de nourrir en moi une curiosité insatiable et un respect profond pour la beauté et l’immensité de l’univers. C’est grâce à toi que j’ai appris à lever les yeux avec émerveillement, mais aussi avec un esprit critique et une soif d’en apprendre toujours plus.
Aujourd’hui, je regarde le ciel avec des yeux pleins de gratitude envers toi. Tu as été une source d’inspiration indéfectible et un modèle à suivre. Ton influence perdure et m’accompagne à chaque observation. Ta passion continue de rayonner, et c’est grâce à elle que j’ai choisi, moi aussi, de poursuivre cette aventure d’observateur, à ma manière, toujours plus fasciné par ce que l’univers nous offre.
Je te remercie du fond du cœur pour tout ce que tu m’as transmis. Tu as changé ma manière de voir le monde, et pour cela, je ne te serai jamais assez reconnaissant.
Tu as retrouvé Alice maintenant, soyez remercié de tout ce que j’ai reçu de vous deux.
Avec toute ma gratitude et mon respect,
Olivier Stenuit
Gino Farroni en 1985, juste après la réalisation de son observatoire. Document SAT.
Jupiter par Gini Farroni au temps de l ‘image argentique. Document SAT.