Les timbres de saison : Automne – Hiver 21-22
Les timbres sont souvent un bon moyen d’élargir nos connaissances, y compris en dehors de notre spécialité habituelle : de la chimie à la mythologie, en revenant toujours au ciel et à l’espace, par exemple. Le Groupe Astrophilatélie propose, quand c’est possible, d’illustrer quelques articles parus dans la revue l’Astronomie.
I – Quelques petits corps du système solaire
La série d’articles « Les nuits d’automne » (nos 153-154-155 – octobre à décembre 2021) pourrait être illustrée par ce bloc émis par l’Uruguay : ACM 2017 – Astéroïdes, Comètes, Météores, Objets Transneptuniens et Planètes naines – Conférence internationale sur les petits corps du système solaire
- à droite Pluton survolée le 14 juillet 2015 par New Horizons (NASA)
- au centre la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko
image obtenue par les instruments de la mission Rosetta (ESA)
- à gauche la planète naine Cérès
autour de laquelle la sonde Dawn (NASA) s’est satellisée en 2015
Les auteurs rappellent que Cérès fut découverte le 1er janvier 1801 par Guiseppe Piazzi et que Cérès est la déesse de l’agriculture dans la mythologie romaine. Or G. Piazzi dirigeait l’Observatoire de Palerme et Cérès est aussi protectrice de la Sicile. D’ailleurs le symbole astronomique qui a été choisi pour Cérès après sa découverte est un arc de cercle prolongé d’une croix : il représente une faucille.
C’est l’effigie de Cérès qui figure sur le premier timbre-poste de 20 centimes émis en France le 1er janvier 1849. En 1999, pour son 150e anniversaire, la petite vignette réapparaît ! Une pastille holographique évoque la forme du plus gros astéroïde de la ceinture principale.
II – Un peu de fluor… et quelques astéroïdes
C’est un article lu dans le n°155 – décembre 2021 qui a constitué le point de départ de cette recherche sans prétention. Il était question du fluor détecté dans une galaxie très lointaine et la légende illustrant l’image d’artiste de la page 3 évoquait « …cet élément qui se fixe sur l’émail de nos dents afin de les rendre résistantes aux attaques de bactéries. »
Sur le timbre émis à l’occasion du 3e Congrès International d’Odontologie au Brésil, apparaissent H2O, formule chimique de l’eau et NaF pour le fluorure de sodium : en fait c’est sous forme d’ion fluorure F– qu’il est assimilé et renforce l’émail. Ce fluorure peut être contenu dans l’eau, dans certains aliments mais aussi ajouté dans le sel ou dans le dentifrice.
Mais ce timbre montre aussi un serpent s’enroulant sur un bâton : il s’agit du bâton d’Asclépios, dieu de la santé et de la Médecine dans la mythologie de la Grèce antique (Esculape en latin). Le serpent est inoffensif pour les humains : c’est la « couleuvre d’Esculape », symbole de santé dans l’antiquité, devenu l’emblème des professions médicales. L’emblème des médecins est le serpent enroulé autour du bâton d’Asclépios (improprement appelé caducée).
Asclépios, fils d’Apollon avait été instruit par Chiron, le meilleur des centaures. Il devint un médecin si habile qu’il découvrit comment ressusciter les morts, ce qui irrita Hadès (Pluton en latin), souverain des enfers et frère de Zeus. Asclépios subit la foudre de Zeus, qui l’envoya dans le ciel où il devint Ophiuchus tenant dans ses mains son serpent : c’est le Serpentaire.
Quant à Chiron, Zeus en fit la constellation du Sagittaire (ou du Centaure selon les sources).
Quel que soit le chemin emprunté, nous revenons donc toujours au ciel et à l’astronomie !
Nouveau détour par la chimie : c’est sous forme de fluorure d’hydrogène FH que le fluor a été détecté dans une galaxie éloignée de 12 milliards d’années-lumière. Et c’est à partir de ce même composé, mélangé au fluorure de potassium, que le pharmacien-chimiste Henri Moissan réussit le premier à isoler le fluor gazeux (molécule F2) par électrolyse en 1886. Il reçut en 1906 le premier prix Nobel de Chimie français. La France lui a consacré deux timbres en 1986 et en 2006.
Le timbre de 1986 comporte une erreur : la réaction chimique est écrite dans le mauvais sens ! Il aurait fallu écrire :
2 HF → H2 + F2
C’est un timbre à 1,80 + 0,40 francs. Attention à l’indication en bas à gauche : 19 n’est pas le prix mais le nombre de nucléons du seul isotope stable du fluor 19 F !
Ce timbre faisait partie d’une série de 5 personnages célèbres parmi lesquels François Arago, qui fut directeur de l’Observatoire de Paris. Agrandissez l’image pour voir quelle constellation figure en bas à gauche sur le timbre !
Henri Moissan était, nous l’avons dit, pharmacien-chimiste.
Le cachet de 2006 représente l’emblème des pharmaciens : un serpent enroulé autour de la coupe d’Hygie, l’une des filles d’Asclépios.
La mythologie attribue à Asclépios 9 enfants dont 6 filles, toutes déesses liées à la santé. Deux d’entre elles sont particulièrement connues : Panacée, la déesse qui guérissait tous les maux par les plantes, et Hygie (Hygiea), déesse de la santé, de la propreté et de l’hygiène, qui symbolisait également la préservation de la santé.
Hygie aidait son père dans sa tâche, soulageant et guérissant tous les êtres vivants, humains et animaux. D’après le mythe, Hygie donnait à boire au serpent de son père au temple d’Asclépios à Epidaure.
Elle est représentée avec son animal favori et sa coupe emblématique sur trois timbres de bienfaisance que lui a consacrés la Grèce en 1934.
Sur un autre timbre émis en 1968 figure la Tête d’Hygie en marbre, attribuée à Scopas de Paros (vers 360 avant notre ère), trouvée en 1901 à Tégée (Péloponnèse), et qui est maintenant au Musée national archéologique d’Athènes. On y voit aussi le logo de l’OMS : au symbole des Nations-Unies a été ajouté le bâton d’Asclépios autour duquel est enroulé un serpent.
Rappelons que ce symbole des Nations-Unies est une carte du monde en projection azimutale polaire équidistante (où certains voient une Terre plate…).
Le logo de l’OMS figure sur des dizaines de timbres !
Les représentations d’Hygie sont très nombreuses en sculpture et aussi en peinture, mais les timbres ici sont plus rares. Sur celui-ci, émis en 1977, figure une femme abreuvant son serpent, peinte par Rubens vers 1615, avec deux noms. Car il y a deux tableaux similaires : Cleopatra est à la Galerie nationale de Prague, tandis que le même portrait devient Hygie déesse de la santé au Detroit Institute of Arts ! Le tableau, à ce qu’il paraît, a été renommé à cause de cette similitude et dans le doute, le graveur a inscrit les deux noms…
Klimt fait d’Hygie un personnage fascinant en la couvrant d’or et de bijoux dans la partie inférieure de sa fresque La Médecine, dont il ne nous reste hélas que des photographies : c’était l’une des trois fresques, avec La Philosophie et La Jurisprudence, destinées à l’Université de Vienne et détruites par les nazis dans un incendie en 1945.
Le nom d’Hygie a été attribué au 10e astéroïde découvert en 1849 par Annibale de Gasparis à l’Observatoire Royal de Naples, le 4e par ordre de taille, deux fois plus petit que Cérès. En 1980 a été découvert (2878) Panacea. N’oublions pas leurs frères (3063) Machaon et (4086) Podalirius… Pour leur illustre père, il y a 2 astéroïdes : (1027) Aesculapia découvert en 1923 et (4581) Asclepius découvert en 1989.
Quant à Cléopâtre, elle a donné son nom à l’astéroïde (216) Kleopatra découvert en 1880, dont la photo apparaît page 6 dans le n° de janvier 22 de l’Astronomie. Ces petits corps de notre Système solaire n’ont pas encore leur timbre…
Le symbole astronomique choisi à l’origine pour (10) Hygiea se passe de commentaire !
Anne-Marie LOUIS – Groupe Astrophilatélie
Photos : Collection AM LOUIS
Pour en savoir plus : voir l’article de Janet Borg, « Les plus grands astéroïdes de la ceinture principale », dans l’Astronomie n°156 de janvier 2022, p 4 et l’article de Marie-Claude Paskoff, « Comment sont nommés les astéroïdes », dans l’Astronomie n°157 de février 2022, p 34.
Sites intéressants à consulter : http://timbreetdent.eu/
http://www.timbresmag.com/2015/10/06/les-timbres-en-fac-de-pharma/