L’astroblème d’Aorounga
Gilles Dawidowicz
Le 10 mars 2017, Thomas Pesquet a posté cette vue du Sahara avec le commentaire suivant : « L’érosion par le vent est plus que visible dans le Sahara : comme si la peinture avait coulé sur des dizaines de kilomètres… ».
L’image a été prise depuis l’ISS le 5 février dernier, à l’aide d’un Nikon D4 équipé d’un téléobjectif de 210 mm. Le Nord est à 11 heures. Nous sommes dans le centre-nord du Tchad, à environ 250 km de la frontière libyenne, et à quelques dizaines de kilomètres au sud-est du massif montagneux –et partiellement volcanique– du Tibesti.
Thomas Pesquet nous propose avec ce cliché, son premier astroblème… et son premier Yardang. Quezaco ? Un astroblème est un vieux cratère d’impact météoritique, très érodé par la météorisation, c’est-à-dire par les conditions climatiques passées et actuelles. Quant à un Yardang, il s’agit d’une forme de corrasion imprimée dans des formations rocheuses, façonnée par un vent dominant, érodant au fil du temps le relief en place en lui imprimant selon la nature de la roche et sa dureté, des pentes abruptes et des pentes douces, longitudinales. Nous sommes au Sahara, une région aujourd’hui désertique, mais qui ne l’a pas toujours été…
Ce cratère d’impact est donc le résultat d’une collision entre un bolide extraterrestre et la Terre. Son diamètre actuel est de 12,6 km et son âge, indéterminé, serait largement inférieur à 345 millions d’années (époque géologique du Carbonifère). Impossible de préciser la taille du bolide, ni sa vitesse, ni sa composition, ni son origine. Il faudrait aller sur le terrain pour y faire des prélèvements puis des analyses pour mieux comprendre son histoire.
Ce qui est certain, c’est que sa structure circulaire en anneaux concentriques en fait l’un des plus beaux impacts météoritiques de notre planète. Ces anneaux concentriques résultent des effondrements des bordures de l’impact qui se sont produits après le choc. C’est un cratère complexe, par opposition aux cratères simples qui ressemblent à des bols. Il faut préciser que la tectonique des plaques et l’érosion sous toutes ses formes, ont effacé de la surface de la Terre l’essentiel des impacts météoritiques passés, contrairement à la Lune, à Mercure ou même à Mars. On compte en effet que 188 cratères d’impact sur la planète bleue (identifiés avec certitudes) contre des milliers sur les trois autres corps. On peut aussi observer le piton central au milieu de la structure. Lui aussi provient du choc et de la relaxation de la matière terrestre, fluidifiée sous les fortes pressions et températures liées à l’impact.
Quand au Yardang, il est ici créé par un vent qui provient du nord-est (du haut vers le bas sur le cliché). Il façonne également des dépôts de sables orangés et des dunes actives qui se déplacent entre les rides vers le sud-ouest. Notez les quelques taches blanches sporadiques en surface. Il s’agit vraisemblablement de dépôts calcaires ou peut-être d’évaporites.
Cratère d’Aorounga, Tchad. Crédit : ESA/NASA