La presqu’île de Tihany
Gilles Dawidowicz
Le 22 juin 2017, Thomas Pesquet a posté cette vue pittoresque du lac Balaton depuis l’ISS, avec le commentaire suivant : « Un peu de fraîcheur avec le Balaton en Hongrie, un des plus grands lacs du monde. La glace dessine des foudres à sa surface ».
L’image a été prise depuis l’ISS le 31 décembre dernier, à l’aide d’un Nikon D4 équipé d’un téléobjectif à 1 150 mm de focale. Le Nord est vers 2 heures. Nous sommes au sud-ouest de la Hongrie, au-dessus de la presqu’île de Tihany, dans le tiers nord-ouest du lac Balaton. Cette région se trouve dans le prolongement de l’arc Alpin, à environ 100 km à l’est de celui-ci.
Il y a plus de 100 millions de lacs sur la Terre, et certains sont vraiment immenses comme la mer Caspienne, le lac Michigan, le lac Victoria, et bien d’autres encore… Assurément, le lac Balaton ne fait pas partie de cette catégorie, malgré ses 500 km2 de superficie. Il pointe tout juste à la 41e place des plus grands lacs d’Europe, avec 78 km de long, et de 1,5 à 15 km de large. Quant à son volume, il est très loin des abysses du Baïkal russe, et n’atteint que 3 m de profondeur moyenne. Toutefois, le lac Balaton constitue le plus grand lac de Hongrie et d’Europe centrale, et c’est déjà beaucoup. Localement, il est considéré comme une petite mer intérieure, qui peut être capricieuse, voire tempétueuse…
A 104 m d’altitude, ce lac magnifique s’étire dans une orientation générale Ouest-Sud-Ouest/Est-Nord-Est, le long des contreforts sud des monts Bakony, un massif montagneux karstique dont le point culminant est le Kőris-hegy, à 709 m d’altitude. Alimenté par plusieurs dizaines de petites sources et quelques ruisseaux et cours d’eau (essentiellement localisés au Nord), dont la Zala, une rivière qui sa source dans les collines à la frontière avec l’Autriche et la Slovénie, et qui se jette dans le lac Balaton près de Keszthely, ce sont surtout les eaux de pluie et de fonte qui constituent l’essentiel de l’apport hydrique du lac.
Le lac Balaton est d’origine tectonique. Lié à une faible subsidence, c’est-à-dire à un lent affaissement de la lithosphère ayant entraîné un dépôt progressif de sédiments sous une profondeur d’eau constante, il a été mis en place après un subtil jeu de failles, qui pour certaines très anciennes ont participé à la remontée de laves.
Mais revenons au cliché de Thomas Pesquet et à la presqu’île de Tihany. Le cliché nous révèle une scène en hiver : le lac et toute sa région subissant en effet un climat continental, aux hivers parfois rudes. Ce n’est pas vraiment le cas au moment de la prise de vue, même s’il apparaît que le lac est pris dans les glaces. Les températures nocturnes de décembre 2016 ont souvent été légèrement négatives, quant aux températures diurnes, elles ont rarement dépassé les 2°C. Le lac est donc gelé comme presque tous les hivers et prend depuis l’espace cet aspect marbré, souligné par notre astronaute : la glace, épaisse parfois de 25 cm –voire bien plus lors de très grands froids–, se lézarde joliment… À n’en pas douter, grands et petits peuvent y pratiquer le patins à glace et même le char à glace.
C’est par ailleurs dans cette région que le lac atteint sa profondeur maximale, de 12 m. C’est aussi dans cette zone du lac que l’on note la présence de nombreux reliefs volcaniques, avec près d’une centaine de cônes marquant l’emplacement de geysers qui jaillissaient et qui se sont retrouvés pétrifiés à la suite d’éruptions volcaniques. On y trouve également des sources encore chaudes, des eaux thermales prisées, mais aussi les deux petits lacs (le lac intérieur et le lac extérieur) de la presqu’île bien visibles sur le cliché, et qui sont en fait d’anciennes caldeiras. C’est du reste sur la rive Nord du lac que l’on produit la vigne qui donne le célèbre et délicieux Tokay. Ce coin du lac est certainement le plus attirant et le plus naturel. Relativement boisé, il reste préservé grâce à la mise en place d’un Parc Naturel (en 1952), qui protège une faune et une flore parfois endémique, malgré une forte pression touristique. On trouve ici une belle réserve ornithologique et de nombreuses espèces de poissons.
Pour finir, cet endroit romantique où la brise en été comme en automne doit être douce lors du Soleil couchant, a inspiré de nombreux peintres et mais aussi Michel Jonasz.
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La presqu’île de Tihany, vue depuis l’ISS. Crédit : ESA/NASA