Les veines du Congo
Gilles Dawidowicz
Le 21 avril 2017, Thomas Pesquet a posté cette vue de la ville de Tshikapa et la rivière Kasaï au Congo, avec le commentaire suivant : « La ville de Tshikapa sur les rives d’une rivière rouge de sédiments, au sud de la RDC, et une belle piste d’aéroport ».
L’image a été prise depuis l’ISS le 8 avril dernier, à l’aide d’un Nikon D4 équipé d’un téléobjectif à 1 150 mm de focale. Le Nord est à 10 heures. Nous sommes au-dessus de la ville de Tshikapa dans l’ouest du Congo, en Afrique centrale, à quelques kilomètres au nord de la frontière avec l’Angola. C’est une région minière, connue notamment pour ses gisements de diamants.
Le cliché de Thomas Pesquet nous révèle une ville à la confluence de deux rivières : la plus petite se nomme la rivière Tshikapa, la plus grande est la rivière Kasaï aussi orthographiée Kasayi. Cette dernière, longue de presque 2 300 km, rejoint à l’aval les rivières Kwilu puis Fimi (aussi nommée la rivière noire), pour former la rivière Kwa et se jeter ensuite dans le fleuve Congo (4 700 km de long), après des centaines de kilomètres d’un cours peu sinueux et orienté vers le nord nord-ouest… Nous sommes dans l’immense bassin versant de la rive gauche du gigantesque fleuve, qui durant sa course fait la frontière entre les deux Congo vers Kinshasa et Brazzaville, avant de se jeter dans l’océan Atlantique près de Muanda et la ville portuaire de Banana. Dans cette dernière partie, à son embouchure, le fleuve Congo délimite la frontière de l’Angola d’avec la RDC.
Dans sa partie sud, le bassin versant du Kasaï se compose de savanes arbustives et de zones forestières plus ou moins nombreuses, tandis que dans sa partie nord, il correspond pour une grande part à des zones de forêts vierges de type équatorial. Nous sommes ici dans une zone de transition.
Mais revenons au cliché de Thomas Pesquet et à cette étonnante coloration des deux rivières, qui du coup, feraient presque penser à des veines. Cette coloration provient sans aucun doute de l’érosion et du lessivage de vastes zones latéritiques situées à l’amont de la scène, et probablement tout autour aussi. Les latérites, sont en effet des roches rouges ou brunes, qui se forment sous les climats tropicaux, par l’altération des roches en place. Ces roches, riches en hydroxydes de fer ou en hydroxyde d’aluminium, constituent les sols de nombreuses régions du monde intertropical. Les forêts équatoriales y prospèrent malgré une relative pauvreté en éléments nutritifs… Et c’est donc le fer oxydé qui donne ces teintes spectaculaires aux nombreuses variétés d’ocres.
Vous noterez que les eaux et les alluvions de la rivière Tshikapa (qui arrive par le bas du cliché) sont orangées et mettent plusieurs centaines de mètres à se mélanger avec ceux du Kasaï, après la confluence. C’est d’ailleurs ce mélange qui éclaircit l’ensemble aval en comparaison des eaux de la zone amont. On observe aussi, grâce au zoom, qu’à cette confluence, au coeur de la ville de Tshikapa, se trouvent des rapides qui donnent localement une teinte laiteuse à la rivière. Toutes les rivières de la région possèdent d’ailleurs ce type de rapides, des chutes et des cataractes…
Par ailleurs, comme le fait remarquer Thomas Pesquet (dans sa légende en anglais), la grande rue au centre de la ville et de la photographie semble se stopper net sur la rivière. En fait, il y a un pont en fer, bien visible avec le zoom, qui permet aux habitants de traverser sans encombre au-dessus des rapides, juste avant la confluence.
Enfin, les amateurs d’aéroports –dont fait partie Thomas Pesquet– identifieront sans difficulté l’unique piste en terre (rouge) de l’aérodrome de Tshikapa…
Retrouvez l’image sur Google Maps !
Tshikapa sur le Kasaï au Congo, vu depuis l’ISS. Crédit : ESA/NASA