Une drôle d’oasis
Gilles Dawidowicz
Le 19 février 2017, Thomas Pesquet a posté cette vue d’une oasis libyenne située dans un cratère volcanique, avec le commentaire suivant : « Curieuse structure encerclée de sable noir au Tchad… Une idée…? ».
L’image a été prise depuis l’ISS le 1er janvier dernier, à l’aide d’un Nikon D4 équipé d’un téléobjectif de 1 150 mm. Le Nord est à 7 heures. Nous sommes au-dessus de l’Oasis des Moustiques, alias le Waw an Namus dans le sud de la Libye, au centre du Sahara.
Le désert du Sahara est grand. Très grand même. Et magnifique aussi. Il offre des paysages exceptionnels, époustouflants. En plus de ces paysages d’une variété incroyable, aux morphologies très différentes, le Sahara présente des curiosités géologiques et géomorphologiques de premier ordre. En voici une nouvelle illustration en Libye. Nous sommes précisément dans le shabiyah de Mourzouq (une subdivision administrative locale).
Le Waw an Namus est situé dans une vaste dépression pas vraiment circulaire de 3 km par 4, le tout ceinturé d’un immense champ de roches volcaniques noires s’étendant dans une ellipse de 15 km par 20. En plein désert de sable jaune, l’endroit tranche totalement comme une énorme tache d’encre sur une feuille de papier blanc !
Légèrement décentré dans cette dépression circulaire, se trouve un piton central égueulé, qui est en fait un véritable cône volcanique au sommet duquel s’est formée une caldeira. Qu’est-ce qu’une caldeira ? C’est un cratère volcanique effondré, souvent à fond plat, généralement localisé dans la partie sommitale d’un volcan et provenant d’une éruption qui a vidé la chambre magmatique sous-jacente. Cette caldeira profonde de 100 m, mesure 400 m par 300. Elle se serait formée il y a 5 000 ans environ.
Sur les pentes extérieures du cône volcanique, et tout autour, on observe des ravines et une géomorphologie de drainage, témoignant d’un ruissellement très efficace. Elles alimentent des lacs salés localisés au pied du cône ou non loin de là. Profonds de quelques mètres, ces lacs de couleurs variables sont longs de 400 à 500 m et permettent l’apparition d’une oasis de verdure dans ce monde minéral. Ils perdent plus de la moitié de leur eau chaque année du fait d’une évaporation intense mais sont réalimentés par des nappes souterraines presque inépuisables. Il est possible que ces lacs n’en forment plus qu’un lors des plus hautes eaux, ceinturant alors une partie du cône. Mais rapidement, sous l’effet de l’évaporation, ils se dissocient. Dans ces lacs, malgré les teneurs élevées en sels, les moustiques prolifèrent, ce qui explique le nom de l’oasis… Le cône volcanique dépasse d’une cinquantaine de mètres les bords de la dépression circulaire. Il culmine à 547 m d’altitude.
Enfin, tout autour s’étendent les limites externes de la dépression circulaire, qui forment comme un petit bourrelet dans la platitude du désert. Vue de l’espace, cette dépression fait penser à un haricot. La photographie de Thomas Pesquet couvre au ¾ ce vaste champ volcanique très sombre composé d’éjectas, de pyroclastes, de cinérites ou encore de téphras (en somme les fragments de roche magmatique solide et les cendres expulsés dans l’air pendant l’éruption du volcan), le tout sur 15 kilomètres par 20. On dirait comme un nuage, une tâche. Seul le coin inférieur droit du cliché laisse apparaître les sables clairs du désert.
Le Waw an Namus en Libye, vu depuis l’ISS. Crédit : ESA/NASA