Quelle heure est-il ?

L’horloge parlante sera arrêtée  le 1er juillet 2022. Fabrice Mottez, rédacteur en chef de l’Astronomie, revient sur l’histoire de ce service créé en 1933. Il nous explique également comment l’heure est diffusée actuellement.


L’horloge parlante de l’Observatoire de Paris. Cette photo illustrait un article écrit par Ernest Esclangon et publié dans l’Astronomie en 1933. Esclangon fut président de la SAF de 1933 à 1935.

À partir de 1933, pour avoir l’heure, les rares et heureux bénéficiaires d’une ligne téléphonique devaient demander à l’opératrice des Postes et Téléphones d’être mis en relation avec ODEON 8400. Ils étaient ainsi connectés à l’horloge parlante et recevaient les fameux messages : « Au quatrième top, il sera… », portés par la voix de l’acteur et speaker radiophonique Marcel Laporte, dit Radiolo.
L’horloge parlante, sans doute le premier répondeur téléphonique robotisé, fut construite par la société Brillet à la demande du directeur de l’Observatoire de Paris, l’astronome et mathématicien Ernest Esclangon. L’Observatoire de Paris était en effet en charge du service de l’heure. Avant 1933, l’unique ligne téléphonique de l’Observatoire arrivait dans le bureau du directeur et sonnait sans arrêt pour ce service. C’est pour désencombrer cette ligne et permettre aux services de la direction de travailler sans ces interruptions continuelles que fut créée l’horloge parlante.
L’horloge Brillet fonctionna jusqu’à son remplacement en 1965 par une autre, construite par le Centre national d’étude des télécommunications, remplacée à son tour en 1975 par un appareil réalisé en un seul exemplaire, et enfin par quatre machines entièrement électroniques, en service depuis 1991, contrôlées par un comparateur et sises sur le campus parisien de l’Observatoire. Parité oblige, les voix donnant l’heure sont à égalité féminine et masculine. Leur exploitation commerciale est assurée depuis 1991 par la société France Télécom, devenue depuis Orange, à travers le numéro d’appel 3699.
La société Orange a annoncé qu’à partir du premier juillet 2022, le service de l’heure au 3699 cessera. Faut-il en déduire que donner l’heure est une mission désormais inutile ? Bien sûr que non. L’Observatoire de Paris, grâce à son unité « Systèmes de référence temps-espace » (Syrte) n’a jamais autant donné l’heure que de nos jours. Simplement, il le fait sous d’autres formes.
Premièrement, le temps légal est mis à disposition par un émetteur radio, d’indicatif ALS162, à la fréquence de 162 kHz. Celui-ci est codé (il n’y a pas de voix), et permet la synchronisation d’environ 200 000 horloges, pour le secteur des transports, de l’énergie, des télécommunications, pour des particuliers, etc.
L’autre mode de diffusion de l’heure passe par Internet, via le Network Time Protocol (NTP). Il est mis en œuvre par le Syrte et le service informatique de l’Observatoire de Paris. C’est un service sophistiqué, permettant la synchronisation (permanente ou non) de plusieurs serveurs avec une correction des délais de transmission. Ce service comprend une hiérarchie de serveurs, selon qu’ils sont directement synchronisés avec le serveur primaire ou avec d’autres serveurs connectés à celui-ci.
Si nous ne demandons presque plus l’heure au 3699, c’est parce que nos téléphones et nos ordinateurs sont synchronisés via le NTP. La synchronisation ne se fait plus quelques fois par mois, comme au temps d’ODEON 8400, mais, pour la plupart des téléphones portables et ordinateurs, de manière quotidienne, à condition d’être connectés au réseau. Tandis que j’écris ces lignes, mon ordinateur exploité sous Linux indique 11 heures et trois minutes. La commande « sudo cat /var/log/syslog | grep ntp » m’apprend que la dernière synchronisation de mon ordinateur a eu lieu ce matin à 9 heures 7 minutes et 47 secondes.
Si vous préférez vivre à l’heure spatiale, vous pouvez utiliser une horloge GPS (système américain), ou vous synchroniser au réseau européen Galileo. Mais ceux-ci se coordonnent également à des services du temps installés sur le plancher des vaches. Pour Galileo, outre le Syrte pour la France, quatre instituts basés en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni, et en Belgique contribuent à une référence de temps précise à mieux que 26 nanosecondes. Aucune excuse pour être en retard.

Fabrice Mottez

(texte publié dans l’Astronomie de juin 2022)

Pour en savoir plus :
Le SYRTE (Observatoire de Paris) a mis en ligne un article sur l’horloge parlante, publié dans l’Astronomie en 2013 .