Les comètes et les épidémies

Source : Bulletin de la Société astronomique de France, 1910

Apparue dans la ville chinoise de Wuhan le 17 novembre 2019, la pandémie due au coronavirus COVID-19 n’a pas tardé à se propager dans le monde entier. Cette pandémie “coïncide” avec plusieurs comètes remarquables : C/2017 T2 (PanSTARRS), C/2019 Y1 (ATLAS) et C/2019 Y4 (ATLAS) observables au premier semestre de cette année.

Pour nos ancêtres, les comètes étaient annonciatrices de grands malheurs : guerres, famines, épidémies. Dans l’Astronomie de 1926, il est fait référence à la chronique de Bardin, conseiller au Parlement de Toulouse, qui décrit ainsi la comète de 1329 : “L’an 1329, dans la nuit du samedi saint, apparut une étrange comète de feu dont une partie était rouge et une partie couleur de plomb… à l’automne suivant éclata une épidémie… L’art des médecins ne soulagea personne et tous ceux qui furent atteints de cette maladie en moururent.”

Dans les Annales de Villefranche, il est précisé : “Cette année 1666 parue une grande comète au ciel pendant plus de six mois, et pour lors beaucoup de femmes enceintes moururent dans leurs accouches.” Dans l’Astronomie de 1933, un lecteur rapporte pour s’en moquer cet article d’un journal de l’époque : “D’après l’hypothèse admise par certains savants, les grandes épidémies qui déciment parfois notre pauvre humanité seraient dues aux astres et aux comètes qui voyagent dans le voisinage de la Terre. Les comètes surtout véhiculeraient toutes sortes de germes redoutables et leurs queues en contiendraient d’innombrables milliards qui n’attendraient que l’occasion de se précipiter dans notre atmosphères suivant la fameuse loi de l’attraction. Ces germes ainsi dispersés dans toutes les parties du globe y déchaîneraient tantôt la peste, tantôt la grippe et d’autres fléaux non moins meurtriers. Comme preuve à l’appui de cette théorie, les savants en question nous apprennent que les dites épidémies ont toujours éclaté après le passage d’une comète. Tel fut le cas de la fameuse peste noire qui ravagea l’Europe et l’Asie au XVe siècle. Beaucoup plus récemment, l’influenza fit son apparition presque simultanément avec la comète de Halley.”

Kepler lui-même assurait : “Cette faculté de la Terre, affectée par l’apparition inattendue de la comète, fait qu’en tel ou tel lieu terrestre des vapeurs vont s’élever. Alors on aura des pluies persistantes. Et comme les êtres vivants entretiennent leur vie en respirant l’air, en raison d’un excès d’humidité ou du fait d’exhalaisons nitreuses arsenicales ou sulfureuses se déclenchent des épidémies de céphalées, de vertiges, de cathares comme en 1582, ou enfin de peste, comme en 1596.”

On prétend que l’usage de dire à celui qui éternue : “Dieu vous bénisse” remonterait à la comète de l’an 500 qui avait coïncidé avec l’apparition d’une terrible épidémie, où les malades étaient dit-on, atteints d’un éternuement au pronostic fâcheux. Ambroise Paré, dans un texte consacré aux Monstres Célestes, fait état de la terreur inspirée par la comète de 1528 : “Cette comète étoit si horrible et si espouvantable et elle engendroit si grand terreur au vulgaire; qu’il eu mourut aucuns de peur; les autres tombèrent malades.”

L’hiver 1664, les Londoniens avaient pu apercevoir la comète C/1664 W1 annonciatrice selon eux de grands malheurs ! Effectivement, en avril 1665 éclata la Grande Peste de Londres qui dura jusqu’en février 1666 et fit presque 100 000 victimes. Elle fut aussi l’occasion pour Isaac Newton d’avoir l’idée de la loi de la gravitation universelle (voir encadré).

Nous savons maintenant que les comètes sont indifférentes au sort des Terriens.

Jean-Claude Berçu, président de la Commission histoire de l’astronomie

Isaac Newton est né le 25 décembre 1642 (calendrier julien) ou 4 janvier 1643 (calendrier grégorien). Il commence ses études à Cambridge, Trinity College, en juin 1661. En janvier 1665, il prépare sa maîtrise mais en raison de l’épidémie de peste noire, l’université ferme ses portes à l’été 1665 et renvoie les étudiants chez eux. Newton part pour le Manoir familial de Woolsthorpe dans le Lincolnshire. Il y restera confiné pendant plusieurs mois.

Contrairement à la légende, il n’a pas l’idée de la gravitation universelle en recevant une pomme sur la tête lors d’une sieste sous un pommier. John Conduitt, assistant de Newton, écrit : ” Tandis qu’il méditait dans le jardin il lui vint à l’esprit que le pouvoir de la gravité (qui faisait tomber la pomme de l’arbre vers le sol) ne se limitait pas à une certaine distance de la surface terrestre, mais qu’il devait s’étendre beaucoup plus loin que ce que l’on pensait habituellement. Pourquoi pas aussi loin que la Lune, se dit-il, et dans ce cas, ce pouvoir doit influencer son mouvement et même la retenir sur son orbite ; à la suite de quoi Newton se mit à calculer quelle serait la conséquence d’une telle hypothèse.”