Compte rendu de la conférence de la SAF du 9 novembre 2018

LA COSMOLOGIE APRÈS LES CINQ PREMIÈRES MINUTES 

Conférence donnée par Sarah BOSMAN

Astrophysicienne Cambridge / University College London

Crédit : Projet CLUES (Constrained Local UniversE Simulations)

À quoi ressemblait notre Univers dans le passé ? Afin de le savoir, il faut se pencher sur les observations et sur les simulations. Les simulations basées sur des super calculateurs ont l’avantage d’accélérer le temps. Après les tout premiers instants de l’Univers, deux grandes lois existent : l’action de la chaleur et l’action de la gravité. L’équilibre entre ces deux forces guide l’histoire de l’Univers.
L’Univers est composé alors de deux ingrédients  :
– La matière ordinaire : Sensible à la force de gravité, température très élevée au départ, mais refroidit avec le temps.
– La matière sombre (ou noire) : Sensible à la force de gravité,  température basse dès le départ et ne peut pas refroidir davantage.

La simulation Millenium  : 10 milliards de particules sont entrées dans cette simulation ! Elle ne contient que de la matière sombre. Elle a été créée par l’institut  Max Planck pour l’astrophysique en Allemagne.

Au début seule la matière sombre entre en jeu dans la toile cosmique, car la matière normale est encore trop chaude.
Puis vers les 380 000 ans après le Big Bang, la température baissant, l’Univers qui n’était qu’une soupe opaque de particules, devient transparent, c’est le fameux épisode du CMB, bruit de fond cosmologique. L’Univers n’est plus ionisé, il devient « calme » et TRANSPARENT, c’est la première lumière émise et que l’on peut voir maintenant mais étirée par l’expansion (c’est le bruit de fond cosmologique). Suite à cette première lumière, l’Univers devient sombre, il ne se passe rien pendant des centaines de milliers d’années. Jusqu’à ce que les premières étoiles s’allument donnant naissance à l’aube cosmique. C’est ce que l’on appelle la période de la recombinaison. L’Univers est devenu NEUTRE. Il y a découplage entre matière et rayonnement.
Le deuxième acte va commencer dans le noir. On entre en effet dans la période des âges sombres. Cette période a été fondamentale dans l’histoire de l’Univers, la gravitation a commencé son action. La température baisse, l’Univers devient froid. La matière commence à s’agglomérer et on remarque que l’hydrogène atomique neutre HI commence à se (ré)ioniser, dû à la formation des premières générations d’étoiles qui rayonnent dans l’ultraviolet, ce rayonnement provoquant l’ionisation (facile, peu d’énergie nécessaire) de H. Ces premières étoiles avec leur environnement d’hydrogène ionisé, favorisent la formation de galaxies primitives.
La matière noire s’effondre avant les baryons, les premières galaxies sont donc des galaxies de matière noire. Les premières étoiles et les premières galaxies vont former des sortes de « bulles d’hydrogène ionisé », ces bulles vont au cours du temps couvrir tout l’Univers jusqu’à ce qu’il soit entièrement ionisé, nous sommes à approximativement 1 milliard d’années. L’Univers est entièrement IONISÉ. On dit aussi que c’est l’époque de la réionisation.

La simulation EAGLE (Evolution and Assembly of GaLaxies and their Environments) : température du gaz cosmique. La couleur est proportionnelle à la température. Le rouge correspond approx. à 100 000 K alors que le blanc correspond à approx 100 millions K. Le gaz est chauffé à de telles températures grâce aux chocs d’accrétion gravitationnelle. Création : Rob Crain et Jim Geach, Université Durham (Grand Bretagne).

Puis, peuvent enfin de former les étoiles, mais les premières sont très différentes des suivantes. Elles détruisent le gaz qui remplit l’Univers, le rendant transparent.

On voit sur cette simulation la formation d’une de ces étoiles par effondrement d’un nuage moléculaire. Le nuage a une taille au départ de 1,2 al et une température de 10 K, sa masse est de 50 fois celle du Soleil. Le nuage s’effondre rapidement sous son propre poids et très rapidement une étoile se forme. Autour de cette étoile des disques de matière formeront peut-être plus tard des systèmes planétaires. Simulation effectuée par Matthew Bates et ses collègues Ian Bonnell et Volker Bromm. Cette simulation a consommé 100 000 heures de calcul tournant sur 64 processeurs (10 millions de milliards d’opérations).

On voit l’illustration d’une réionisation graduelle d’un volume typique d’Univers. Les régions bleues indiquent les zones chaudes et ionisées autour des galaxies. Elles grossissent au fur et à mesure que les galaxies grossissent, éventuellement elles fusionnent et ionisent l’Univers complètement. Le cube a un côté de 200 millions d’al, et la simulation concerne seulement les premiers milliards d’années de l’Univers. Crédit Simulation : Marcelo Alvarez (CITA), Tom Abel (Stanford). Crédit Visualisation : Marcelo Alvarez, Ralf Kaehler (Stanford), Tom Abel.

Les premières galaxies sont juste de tout petits groupes d’étoiles qui se regroupent de façon chaotique.

On figure ici des zooms entre les grandes structures et le gaz et les étoiles dans le disque galactique. Finalement au bout de quelques milliards d’années, l’Univers commence à ressembler à ce que l’on connait. Le Soleil a eu vraisemblablement des sœurs qui se baladent aujourd’hui dans son voisinage à la manière des Pléiades. Les Pléiades viennent de terminer de détruire (en l’absorbant) leur nuage moléculaire originel. Les étoiles d’Orion n’ont pas encore terminé de détruire leur nuage. Les protogalaxies étaient spirales. Les galaxies spirales se forment après de nombreuses collisions. Simulation EAGLE (consortium Virgo).

Les galaxies assemblées, l’ère des super amas (de galaxies) commence. Ainsi que le confirme la conférencière, c’est l’âge d’or de la formation des étoiles.

On peut voir sur ce film une évolution depuis un z=4 à z=0 menant à une galaxie massive elliptique, due à des rencontres multiples vers z=1. À gauche du panneau il y a la lumière des étoiles et à droite la densité du gaz, d’une région d’approx. 1 Mpc de côté. Crédit : Collaboration Illustris.

Nous sommes maintenant à la moitié de l’âge de l’Univers. Notre Voie Lactée n’est pas dans un super amas, nous sommes dans le Groupe Local. Le super amas le plus proche est celui de la Vierge. Les planètes vont se former et la chimie des planètes est fonction de la chimie de leurs étoiles naines, moyennes, géantes. Ce sont surtout les étoiles moyennes qui sont les plus contributrices à la formation de tous les éléments. Le carbone est passé par au moins 3 étoiles de précédentes générations, voire 5, grâce à leurs nuages moléculaires

La physique de la formation des planètes est encore extrêmement compliquée et très mystérieuse. Avec ALMA on voit maintenant des nuages de proto étoiles en formation. Le réseau ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) vient de révéler avec une précision énorme les détails d’un disque protoplanétaire autour d’une jeune étoile proche, située à 450 al. Ce sont les premières observations effectuées avec ALMA dans sa configuration quasi finale, et ce sont les images les plus précises jamais réalisées dans les longueurs d’ondes submillimétriques. ALMA observe dans de plus grandes longueurs d’onde, ce qui lui permet d’étudier les processus directement au cœur de ce nuage

L’Univers contemporain maintenant, la Galaxie tourne lentement sur elle-même, les éléments continuent à être produits, de nouvelles planètes existent dont la Terre. Le Cosmos contemporain arrive avec l’apparition de la Terre (4,567 milliards d’années). Nous sommes à la fin de l’Histoire en ayant traversé toutes les couches historiques

L’existence de la matière noire est sûre, démontrée par l’observation. Il n’y a plus de doute. Ce n’est pas une aberration de théorie contrairement à ce que l’on dit encore.

Pourquoi les étoiles naines étaient si peu efficaces ? La réponse S Bosman : La raison pour laquelle les étoiles naines n’ont pas ou presque pas contribué à la création des éléments dont nous sommes constitués, c’est parce que ces éléments sont emmagasinés au centre des étoiles pendant leur vie. C’est uniquement au moment de leur mort (par supernova ou éjection des couches supérieures) que ces éléments retournent vers l’environnement galactique où ils peuvent servir à la formation de planètes. Les étoiles naines les plus petites (rouges) n’ont simplement pas encore eu le temps de mourir depuis leur création qui a commencé il y a 13 milliards d’années ; elles n’ont fait qu’emmagasiner ces éléments. Même une naine jaune comme le Soleil n’aurait eu qu’à peine assez de temps pour atteindre la fin de sa vie entre le début de la formation d’étoiles et l’époque de la formation de la Terre. Il ne suffit donc pas de créer les éléments par fusion ; il faut aussi qu’un nombre suffisant d’étoiles productrices relâchent leurs éléments lors de leur mort.

Crédit image : Jean-Pierre Martin

Une originalité à partir de cette séance : nous proposons un intermède musical, grâce à notre artiste pianiste Bruno SOMMET que nous remercions.

Cet article est basé sur le compte rendu détaillé de Jean-Pierre Martin, disponible ICI.