Compte rendu de la conférence mensuelle de la SAF du 8 mars 2019

IL Y A 50 ANS : LA CONQUÊTE LUNAIRE, COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ LÀ ?

Conférence donnée par Jean-Pierre Martin, physicien, membre de la SAF

Apollo 11 sur la Lune. Crédit : NASA

La conquête lunaire date effectivement de ce 20 juillet 1969, où des hommes ont posé pour la première fois le pied sur notre satellite. Mais cette histoire avait commencé bien avant, en fait un peu avant la dernière guerre. Un étudiant, Werner von Braun s’intéressait aux fusées. Malheureusement la guerre se profilait et tous les efforts scientifiques se sont portés sur les engins de mort (V2…) .

En 1945, la fin de la guerre étant proche, Von Braun choisit de se livrer aux Américains, qui le recherche d’ailleurs (opération « paperclip ») pour profiter de ses savoirs. Il est rapatrié aux USA avec une partie de son équipe et de son matériel, et se met à faire ce qu’il sait faire, des fusées !
Parallèlement, de l’autre côté, les Soviétiques chargent Sergueï Korolev de récupérer les éléments de fusées et les documents disponibles et de mettre au point une industrie spatiale. Ce qu’il réussit à faire car, organisateur hors pair, il trouve même de nombreux techniciens allemands pour l’aider. C’est décidé, la compétition spatiale ce sera von Braun contre Korolev.

Tous deux vont mettre au point des fusées qui sont au début des copies conformes de la mère de toutes les fusées (même actuelle) : la V2. Mais chacun de son côté va l’améliorer pour aboutir à des nouveaux lanceurs de plus en plus performants. Puis, c’est le lancement du Spoutnik le 4 Octobre 1957, l’Amérique doit se réveiller, elle crée la NASA, agence spatiale civile chargée d’organiser la course à l’espace.

Les USA doivent enfin faire confiance à von Braun. Il lance avec succès Explorer I, premier vrai satellite scientifique, le 1er février 1958. Du côté soviétique, Korolev a bien amélioré les fusées allemandes et a besoin d’un site de lancement secret (guerre froide oblige). Ce sera Baïkonour, site mythique au Kazakhstan. Korolev met au point la fusée R7 qui s’appellera plus tard Soyuz (plus de 1 700 lancements) qui va devenir la mère de toutes les fusées russes. C’est une R7 qui emmène Spoutnik en orbite.

Personne ne comprend bien en URSS la révolution qu’a été ce lancement à Baïkonour, il a fallu attendre la réaction des occidentaux pour comprendre que l’on venait d’entrer dans l’ère spatiale. En 1957, l’URSS commence aussi à s’intéresser à de futurs vols habités, ils recrutent des personnes qui vont s’appeler des cosmonautes, ils vont s’entrainer à la Cité des Étoiles.

L’Amérique est en retard, même si elle sélectionne elle aussi ses astronautes. Elle se fait griller la politesse par Gagarine le 12 avril 1961 qui est mis en orbite autour de la Terre. Le premier homme dans l’espace est soviétique. Youri Gagarine, fils de paysans, est le parfait Soviétique pour Kroutchev. Gagarine fait le tour de la Terre en 90 minutes et se pose ensuite. Ce que l’on ne se sait pas à l’époque, et qui ne sera dévoilé que pendant la Pérestroïka, le vol ne s’est pas tout à fait passé comme prévu : problème de séparation de la capsule qui ne se produit pas au bon moment. Gagarine a failli étouffer car l’air n’arrivait plus dans son casque. L’atterrissage ne s’est pas produit non plus comme il a été dit : en fait il a sauté en parachute de la capsule (à 7 000m) et quand il a atterri dans un champ, il a effrayé les populations. Cela n’enlève rien à l’exploit de ce cosmonaute. Le monde entier connaît Gagarine, mais personne ne connaît Korolev. Son existence restera secrète jusqu’à sa mort.

L’Amérique va réagir méthodiquement au lancement du premier homme dans l’espace :

  • d’abord un homme à bord : Mercury,
  • ensuite deux hommes et rendez-vous spatial : Gemini,
  • puis le grand projet : Apollo avec ses 3 hommes et l’orbite lunaire,
  • parallèlement, des robots défrichent la zone d’atterrissage : Ranger, Surveyor, Lunar Orbiter,
  • un visionnaire : von Braun qui construit la plus grande fusée du monde,
  • tout un peuple participe, avec des retombées civiles.

Les USA rattrapent lentement leur retard, ils envoient Alan Shepard effectuer un saut de puce dans l’espace en mai 1961, après Gagarine. C’est seulement basé sur cette expérience de 15 minutes de vol dans l’espace, que Kennedy fait le pari osé dans un célèbre discours de déposer un homme sur la Lune avant la fin de la décennie et de le ramener vivant : « Notre nation doit s’engager à faire atterrir l’Homme sur la Lune et à le ramener sur Terre sain et sauf avant la fin de la décennie ». Quel pari ! Finalement, John Glenn le 20 février 1962 fait comme Gagarine, l’honneur est sauf. Il fait plusieurs fois le tour de la Terre, il a rendu sa fierté aux Américains.

Encore une première Soviétique : la première « marche » dans l’espace par Alexeï Leonov en 1965. On sait maintenant que l’on a frôlé la tragédie, Leonov n’arrivait plus à rentrer dans le sas, ses nerfs d’acier lui font dévisser une partie de sa combinaison pour diminuer la pression interne. Il est sauvé, ou presque, atterrissage au mauvais endroit. En effet, ils atterrissent dans la taïga, à 400 km du point prévu, dans un endroit particulièrement hostile de la Sibérie. On est en mars. Les loups et les ours sont autour d’eux ! La neige est épaisse, ils ne peuvent pas se déplacer, ils passent la nuit dans leur capsule avec l’écoutille ouverte car larguée à l’atterrissage. On les repère enfin le lendemain, mais l’hélicoptère ne peut pas se poser, on leur fait parvenir des habits et de la nourriture pour leur deuxième nuit sur place. Le lendemain une équipe arrive à ski mais on ne peut pas les évacuer aussi rapidement, on construit une cabane pour passer la nuit. La délivrance viendra le lendemain, donc trois jours après l’atterrissage lorsque les deux cosmonautes pourront enfin monter à bord de l’hélicoptère. Tout fini bien. Il a gagné son ticket pour la future mission humaine vers la Lune.

L’Amérique réplique avec le programme le plus important, les missions Gemini avec deux astronautes. Ils doivent valider les concepts de rendez-vous spatiaux, sorties dans l’espace (White marche dans les pas de Leonov), et les vols longue durée. Neil Armstrong sauve la mission Gemini 8 d’un désastre et lui aussi gagne son ticket pour la Lune. Les USA prennent définitivement les devants. Les missions Apollo peuvent démarrer. Un peu avant, les sondes Surveyor se sont posées sur la Lune. La route est tracée, maintenant c’est objectif Lune.

Une fois le trajet pour la Lune décidé (rendez-vous en orbite lunaire ou LOR), et les différents modules en cours de construction et de tests :

• module Apollo pour 3 astronautes,

• module de service pour toutes les servitudes (air, eau, électricité),

• module lunaire pour se poser et redécoller.

On peut enfin envisager de respecter le délai donné par JFK. Mais des drames vont se produire : Apollo 1 brûle au sol tuant ses 3 astronautes ; Komarov, en revenant sur Terre avec une nouvelle capsule s’écrase au sol. Korolev meurt sur la table d’opération et finalement Gagarine se tue à bord de son Mig 15. Le crépuscule des héros ! Néanmoins on continue, on détermine le profil typique d’une mission Apollo : Après lancement par Saturn V (hauteur 110 m , pour info Ariane 5, 55 m ; 3 500 t de poussée au décollage),

• injection sur une orbite trans-lunaire,

• puis assemblage du module lunaire et de la capsule Apollo,

• mise en orbite autour de la Lune,

• séparation LM et Apollo,

• alunissage,

• décollage Lune,

• rendez-vous avec le module Apollo,

• retour Terre.

Le coup de poker de 1968 : sur information de la CIA, les USA ayant peur d’un coup des Russes (ils ont des photos satellite de la fusée géante N1 à Baïkonour), veulent lancer une Apollo : Apollo 8 en décembre 1968. Mais le LM n’est pas prêt, alors ils décident une autre mission. Borman et ses collègues vont faire le tour de la Lune, on brûle les étapes et ça marche ! Apollo 8 apporte la preuve qu’on peut aller vers la Lune et en revenir. Puis c’est le soir de Noël et la photo magique, icône du XXème siècle : on voit la Terre depuis la Lune. Après 10 révolutions lunaires, on allume et on rentre.
Et c’est le fameux soir du 20 au 21 juillet 1969, Apollo 11 est partie depuis quelques jours. En orbite lunaire, le LM se dirige vers la mer de la Tranquillité. Armstrong presque à court de carburant se pose sans encombre. Kennedy a gagné son pari. Enfin, 15 ans après Tintin, on a marché sur la Lune ! Et on en est revenu.

Le grand vainqueur c’est lui, von Braun, l’Amérique peut bien le remercier et le porter en triomphe. Les Russes ont manifestement perdu, ils prétendent qu’ils n’ont jamais été intéressés par la Lune. C’est faux bien sûr. La fusée géante N1 devait propulser un Soyuz modifié attaché à un module lunaire (le LK) vers la Lune et Leonov aurait dû s’y poser, rester quelques heures prendre un échantillon et retourner à son Soyuz en orbite.
La suite est connue, d’autres missions vont se succéder, la plus impressionnante et la plus réussie Apollo 13 (oui, car on a ramené les astronautes vivants), mais le public se désintéresse, les USA ont gagné la bataille, alors….Heureusement, la dernière mission Apollo 17 emportera un vrai géologue : Harrison Schmitt. En tout, les missions Apollo ont ramené 400 kg de pierres de Lune. Après analyse, la Lune c’est la Terre !

Une remarque : il y a encore des personnes qui croient que tout a été filmé en studio, j’ai quelques arguments imparables :

1) Au plus fort du programme Apollo près d’un demi-million de personnes et des milliers d’entreprises étaient impliquées dans le programme lunaire. Si les alunissages ont été simulés, comment aurait-on pu faire taire des milliers de personnes nécessairement au courant d’une telle entreprise ; déjà un secret à deux n’est plus un secret alors, des milliers….parmi ces nombreuses personnes, il y en aurait eu au moins un qui aurait monnayé ses indiscrétions à la presse. Bizarrement ce n’est pas le cas.

2) Si les alunissages n’ont pas eu lieu, où sont donc allés les astronautes qui partaient dans la fusée Saturne et dont on voyait l’embarquement et le départ en direct? On a pu suivre la fusée et son trajet vers la Lune. Où ont-ils donc été?

3) Les près de 400 kg d’échantillons lunaires ramenés, proviennent-ils du jardin de l’administrateur de la NASA de l’époque? Pourtant ils sont similaires aux échantillons (très peu nombreux ramenés par les sondes automatiques soviétiques Luna).

4) Le point le plus important : les astronautes ont déposé sur la Lune de nombreux instruments, dont des réflecteurs Laser qui permettent de mesurer en continue la distance Terre-Lune, en renvoyant dans exactement la même direction la lumière qu’ils reçoivent. Tous les jours on vise ces réflecteurs (notamment de France, de l’OCA, l’Observatoire de la Côte d’Azur). Qui les auraient mis là, si ce n’est les astronautes? C’est à mon avis l’argument le plus convaincant.
Ultime argument : les nouvelles sondes lunaires ont photographié avec moult détails les sites d’atterrissage. Voici un dernier argument donné par un spectateur de ma dernière conférence à ce sujet : le KGB n’a jamais prétendu que ça n’avait jamais eu lieu.

Depuis, on s’est très peu intéressé à la Lune, peut-être va-t-on y retourner, de nombreux projets sont en cours, mais nous n’avons toujours pas le lanceur. Apollo 17, la dernière mission. À quand le retour sur la Lune ? Bien entendu, on repense à la Lune, suite aux divers exploits chinois (atterrisseur sur la face cachée) ou israéliens. On s’intéresse aux richesses possibles de la Lune (hélium 3…) serait-ce une base spatiale avancé pour conquérir Mars ? De toute façon, le lanceur pour atteindre la Lune n’est pas encore au point. Qui sera le premier ? SpaceX ? les Chinois ? Maintenant la grande question est : Mars. Sommes-nous prêts à nous engager dans un tel voyage probablement sans retour ? L’avenir nous le dira.

Le compte rendu détaillé est disponible sur le site de Jean-Pierre Martin ICI.