Compte rendu de la conférence mensuelle de la SAF du 12 avril 2019

AUX ORIGINES DE L’UNIVERS, EN ATTENDANT EUCLID

Conférence donnée par Hervé Dole, astrophysicien IAS, Université Paris Saclay, vice-président Université Paris Sud

                               Crédit : ESA

La première lumière de l’Univers

Au début, l’Univers est une soupe de particules. Les photons de lumière sont empêchés par les électrons libres de se propager librement. Mais au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, vers 380 000 ans, et la température baissant (seulement 3 000 K), ces particules se calment.

Les électrons se combinent avec des protons et des neutrons pour former des atomes. L’Univers devient transparent. Le champ est libre pour que les photons de lumière se propagent librement. En se propageant, ces radiations ont perdu de leur puissance (leur émission s’est décalée vers le rouge) et se trouvent maintenant dans le domaine des micro-ondes.

De ce rayonnement fossile il reste une trace que l’on peut détecter de nos jours, c’est ce que l’on appelle le rayonnement fossile ou CMB en anglais pour Cosmic Microwave Background. C’est ce rayonnement qui a été prédit par George Gamow dans les années 1940, puis redécouvert en 1965 par Penzias et Wilson par hasard et qui a donné naissance à une lignée de satellites d’étude de ce rayonnement : COBE, WMAP et enfin Planck.

La grande surprise de Penzias et Wilson lorsqu’ils découvrirent ce bruit de fond provenant de toutes les directions dans l’Univers, a été la très grande homogénéité de ce rayonnement ; il était aux alentours de 3 K c’est à dire comme prévu, dans le domaine micro ondes. Les satellites envoyés pour l’étudier plus en détail, ont affiné les mesures, mais la valeur reste extrêmement homogène et isotrope, puisque l’on trouve dans toutes les directions : 2,728 K dont les plus petites variations sont de l’ordre de 10-5, soit un millième de pour cent.

Les deux grandes questions

Au début de l’Univers, celui-ci semble très homogène. Pourquoi ? Alors que maintenant, il montre une très grande inhomogénéité. Pourquoi ? Comment peut-on expliquer cela ?

Une première réponse est apportée avec la résolution du paradoxe d’Olbers, pourquoi la nuit est-elle noire ? Vu le nombre d’étoiles du ciel (si on suppose qu’elles sont en nombre infini), la nuit devrait briller comme en plein jour. En effet, si, quelle que soit la direction dans laquelle on porte son regard, nous trouvons une étoile, pourquoi le ciel nocturne n’est-il pas uniformément brillant ? Et pourtant la nuit est noire. Alors pourquoi ? Eh bien, c’est qu’en fait il y a ces trois phénomènes qui entrent en jeu dans ce paradoxe :

  • La vitesse de la lumière est finie, la lumière de certaines étoiles ne nous a pas encore atteint.
  • Les étoiles ne brillent pas éternellement, elles ont eu un début et elles ont une fin, d’autre part il n’y a pas un nombre infini d’étoiles, même si ce nombre est très grand.
  • L’univers est en expansion, ce qui dilue le rayonnement dans un volume de plus en plus grand, et fait décaler les longueurs d’onde lumineuses vers les grandes longueurs d’onde, vers le rouge.

On en déduit aussi qu’il existe un horizon cosmologique, au-delà duquel on ne peut rien voir. Mais si la nuit paraît noire dans le spectre du visible (ce à quoi notre œil est sensible), ce n’est pas le cas dans d’autres longueurs d’ondes : le ciel est illuminé notamment en infrarouge et en micro-ondes. Il existe d’autres longueurs d’ondes dans lesquelles on peut contempler notre Galaxie, comme les X , les gamma etc..

Comment expliquer l’homogénéité de l’Univers ? Une théorie a été développée à cette occasion, l’inflation. Vers 10-35 sec, une expansion énorme se produit pendant un très très court instant, l’espace se dilate plus vite que la vitesse de la lumière ; et grossit d’un facteur exponentiel, toutes les régions de l’Univers qui étaient en contact ne le sont plus, mais elles ont gardé leur valeur d’origine. Ce qui explique l’extrême homogénéité de l’Univers. Après cette phase d’expansion exponentielle, le rythme ralentit pour donner naissance à l’expansion actuelle.

L’univers peut être décrit avec seulement six paramètres

En effet, le satellite Planck a déterminé que l’Univers pouvait être décrit uniquement à l’aide d’un jeu de 6 paramètres. C’est le modèle ΛCDM  (Lambda Cold Dark Matter). Il mène à une nouvelle (mais très peu différente du modèle précédent) composition de l’Univers : un petit peu plus de matière ordinaire et noire et à un âge d’Univers légèrement plus vieux : 13,797 Ga. De tout ceci on en déduit la composition de l’Univers en masse/énergie. Les résultats de Planck indiquent que le mélange des constituants contient un peu plus de matière que d’énergie :

– 26,8% de matière noire

– 4,9% de matière ordinaire

– 68,3% d’énergie noire

Planck révèle aussi la matière noire

La lumière primordiale du CMB, pour nous parvenir, traverse l’espace où elle peut par endroit rencontrer des masses de matière ordinaire et noire (amas de galaxies par exemple) et subir des légères déviations dues à un effet de lentilles gravitationnelles, si bien que ce que l’on (Planck) observe est altéré par cet effet. Les rayons lumineux sont légèrement déviés et donnent ainsi une image déformée à l’arrivée (maintenant). En retranchant l’action de cette matière on peut accéder au CMB tel qu’il était à l’origine et aussi ainsi remonter et reconstruire la carte des masses de la matière noire qui produit l’effet détecté.

Avenir : EUCLID

Comment caractériser l’énergie sombre ? On suppose que l’énergie sombre se comporte, ainsi que les autres composants de l’Univers, comme un fluide parfait. Elle doit donc obéir à une équation d’état. L’équation d’état, c’est la relation entre la pression et la densité de ce fluide ; on le note :

W = P/r

Quelques valeurs :

  • Pour les photons : W = 1/3
  • Pour la matière noire et la matière ordinaire : W = 0
  • Pour une constante cosmologique (énergie sombre) : W = -1

Mais le W peut dépendre du temps : W = Wp + Wa(t)

Un des buts d’ EUCLID est de mesurer avec précision :

  • Wp 10 fois meilleure qu’aujourd’hui, et atteindre mieux que 1%
  • Wa 40 fois meilleure qu’aujourd’hui et atteindre mieux que 5%.

On va donc observer l’évolution de la matière noire et des galaxies, et on va essayer de se situer par rapport à l’époque de la transition (période où la matière noire dominait l’énergie sombre) déjà évoquée. Des effets infimes vont devoir être mesurés, et il faudra donc construire de nouveaux outils et établir le protocole de nouvelles expériences.

Mais EUCLID va aussi déterminer la distribution de matière noire en fonction de la distance, c’est-à-dire qu’il va déterminer le spectre de puissance de la matière noire et des galaxies au cours du temps. Il faut pouvoir mesurer un grand nombre de redshifts, ce sera le cas avec les redshifts photométriques en IR. EUCLID va accueillir le plus grand CCD au monde : 600 Mpix, mesures dans le visible et l’IR. C’est une mission de l’ESA est surtout une mission franco-italienne.

Le compte rendu détaillé est disponible sur le site de Jean-Pierre Martin ICI.