Le télescope spatial Hubble fête ses 30 ans

Crédit : STScI et NASA

Eh, oui mes amis, cette année 2020 marque les trente ans du télescope spatial Hubble dans l’espace. Le site de Hubble nous propose un calendrier de l’année avec les meilleures photos. On le trouve ICI ou en Haute Résolution ICI. Voici sa page de couverture représentant la galaxie NGC 3256. On trouve tous les détails concernant les photos diffusées à cette occasion sur le site du télescope spatial. Le calendrier comporte 12 des meilleurs photos prises par Hubble.

Je vous laisse découvrir les photos vous-même, je ne décrirai que ma photo favorite : celle du mois de janvier 2020, c’est le champ profond en UV appelé UVUDF. Cette image est le résultat de la combinaison de photos provenant de 841 orbites du télescope. Elle contient approximativement 10.000 galaxies.

Vous pouvez aussi vous intéresser aux 100 meilleures images de Hubble, n’hésitez pas à vous plonger dedans et à télécharger celles que vous aimez le plus. Mes préférées : la n° 2 : Les piliers de la création, et la n° 6 : Les antennes.

Une nouvelle photo qui vient d’être publiée par le télescope spatial : la galaxie spirale IC 2051 (IC = Index Catalog). Elle est située dans l’hémisphère Sud à 85 millions d’a.l. de nous. L’image est prise par la WFC3 (Wide Field Camera) dans le visible et l’IR.

Mais la plus récente et la plus belle à mon avis est celle publiée en cette fin janvier 2020 de la galaxie spirale UGC 2885 (UGC = Uppsala Galaxy Catalog), elle est située à 232 millions d’a.l. dans la constellation de Persée. C’est une des plus grandes galaxies, elle contient 10 fois plus d’étoiles que la nôtre et est deux fois et demie plus grande. Cette galaxie a été nommée Galaxie Rubin en honneur à Vera Rubin qui s’était intéressée à la rotation des galaxies et avait ainsi conforté l’idée de matière noire. On ne comprend pas encore ce qui peut conduire une taille si énorme de cette galaxie. Est-ce le fait que cette galaxie est isolée dans un coin de l’espace ou alors….

Je répète ma phrase habituelle : que fera-t-on quand Hubble ne fonctionnera plus, il n’est pas évident que le JWST nous donne la même qualité d’imagerie, car il est principalement en IR. On verra bien !

Rappel sur l’histoire du télescope spatial Hubble 

Peu de gens le savent, mais c’est Lyman Spitzer (dont le nom sera donné plus tard à un télescope IR en hommage), un génial astrophysicien américain, qui le premier eut l’idée dans l’immédiat après-guerre de proposer de mettre un télescope en orbite terrestre pour s’affranchir des problèmes dus à l’atmosphère. En effet, la seule information que l’on reçoit des objets que l’on observe, c’est leur lumière, et celle-ci perd une partie de ses informations en traversant notre atmosphère, en fait on ne perçoit que la partie visible du spectre, donc, ce que l’on peut voir du ciel à partir de la Terre n’est qu’une toute petite partie de l’immense palette des longueurs d’onde disponibles.

Les télescopes positionnés dans l’espace étant situés au-dessus de l’atmosphère qui fait filtre, nous donnent accès aux mondes de l’infra-rouge (objets froids), de l’ultra-violet (objets chauds) et même à l’Univers violent des gamma (trous noirs) et des rayons X (super novæ). L’essentiel est donc INVISIBLE.

De plus, les astronomes le savent bien, notre atmosphère provoque des turbulences qui limitent la résolution, ce n’est plus le cas dans l’espace. Donc il faut aller dans l’espace. Décision est prise de construire un télescope spatial en 1962, on le nommera Hubble en l’honneur du célèbre astronome, mais les fonds ne furent alloués qu’en 1977 et le lancement fut retardé par l’accident de Challenger en 1986, le départ eut lieu seulement le 24 avril 1990 avec la navette Discovery (STS-31).

Ce télescope était un vrai défi technologique à l’époque. C’est un gros tube de la taille d’un autobus ; 13m de long, 4,3m de diamètre et pesant 11 tonnes. Il possède un miroir principal de 2,4m et est équipé de divers instruments photographiques et spectrométriques. Il y a près de 400.000 pièces différentes à bord et plusieurs dizaines de km de câbles. Le cadre est en graphite époxy, un matériau composite qui résiste aux grandes variations de température, car 16 fois par jour le télescope est soumis à une variation de température de 270°C entre jour et nuit. Hubble est revêtu de plaques isothermes chauffantes limitant cette variation à 1°C. Il orbite à 600 km au-dessus de nos têtes (200 km plus haut que l’ISS).

L’atmosphère ne faisant plus filtre, il permet aussi de voir dans le proche infra-rouge et dans l’ultra-violet. Des panneaux solaires immenses fournissent l’énergie nécessaire. Un revêtement spécial le protège de la chaleur et du froid. Après sa première réparation, Hubble est parfait et il pénètre jusqu’à des galaxies qui se sont formées seulement 1 milliard d’années après le Big Bang (ne pas oublier : voir loin c’est voir dans le passé, un télescope est une machine à remonter le temps).

Les maintenances de Hubble

En tout, 5 missions furent nécessaires pour maintenir Hubble en forme, la toute dernière, donc la cinquième (curieusement elle s’appelle SM-4) fut, à part la première, la plus importante car elle devait préparer Hubble pour les dix prochaines années, étant donné qu’il n’y aura pas d’autre maintenance. Elle a procédé notamment à :

  • l’installation d’une caméra de nouvelle génération fonctionnant dans les longueurs d’ondes de l’ultraviolet et du proche infrarouge (WFC3) ;
  • l’installation de COS, un spectromètre fonctionnant dans l’ultraviolet (le plus sensible jamais installé sur Hubble) en remplacement du COSTAR; il pourra aussi être utilisé pour étudier l’atmosphère des exoplanètes ;
  • la réparation du STIS, le spectrographe imageur du télescope spatial ;
  • la réparation de la plus importante caméra (ACS) ;
  • le remplacement des 6 gyroscopes et des 6 batteries ;
  • l’installation d’un mécanisme pour faciliter un rendez-vous orbital en prévision d’une mission de désorbitation ou autre.

Ces nouveaux instruments sont plus rapides et plus performants que ceux qu’ils remplacent, ils devraient permettre de faire durer le télescope jusqu’à son remplacement par le JWST. La boite à outils de Hubble semble donc maintenant bien prête pour nous donner encore de merveilleuses années d’images de notre environnement céleste.

Les images de Hubble

Les images originales sont toujours en noir et blanc (CCD). On fait passer la lumière par des filtres pour donner une info supplémentaire. Hubble voit un peu plus que le « visible ». On se sert de filtres en couleurs pour :

  • Soit faire apparaître en couleurs naturelles.
  • Soit voir ce que donne un objet en IR ou UV proches.
  • Soit pour augmenter les contrastes et faire apparaître des détails.

Pourquoi une marche d’escalier sur certaines photos, comme sur la photo célèbre des fameux piliers de la création, cette nurserie stellaire située dans la constellation de l’Aigle (Eagle Nebula) prise par la caméra WFPC2 (Wide Field and Planetary Camera 2). Il doit bien y avoir une raison à un tel découpage.  Mais oui, c’est bien sûr, et la raison est technique.

La caméra grand champ, la WFPC2 (maintenant la WFPC3) est à la base de la plupart des photos les plus connues de Hubble, elle est composée de 4 chips CCD de chacun 640.000 pixels (800×800) (c’est peu comparé à ce qui existe maintenant). Cette caméra est composée de deux parties principales :

  • Un trio de détecteurs grand angle.
  • Une caméra “planétaire” à haute résolution, qui ne voit qu’une faible partie du champ des autres (1/4 exactement en fait), bref une sorte de téléobjectif.

Chacune de ces 4 “fenêtres” illumine un CCD, comme on le voit sur la première photo ci-dessous. Mais le 4ème CCD (celui appelé image 1) ayant un champ 4 fois plus petit voit 4 fois plus de détails. Afin que l’image présentée au public représente quelque chose de cohérent, on réduit d’un quart ses informations, d’où la marche d’escalier comme expliqué sur les photos suivantes.

Comment vise-t-on les étoiles ?

Le positionnement des satellites dans l’espace se fait généralement à l’aide de moteurs chimiques, on déclenche une réaction chimique dans le sens opposé auquel on veut se déplacer. Avec Hubble prévu pour vivre des décennies, ce système qui consomme du carburant (et donc à durée de vie limitée) n’est plus possible. Il nous faut un système à longue durée de vie sans consommation de carburant. Le pointage exact du télescope est basé sur trois éléments :

  • 4 roues à réaction qui ajustent l’orientation (Newton : action = réaction).
  • 6 (dont 3 de réserve) gyroscopes qui mesurent la position.
  • 3 capteurs d’étoiles guide (FGS), sorte de guide Michelin du ciel (15 millions d’étoiles en catalogue).

Hubble peut rester pointé sur un même objet pendant 24 heures sans dévier (0,01 arcsec).

Le succès de Hubble

Hubble a pris près quelques million de photos et étudié plus de 50.000 objets célestes, il a effectué plus de 200.000 révolutions, ses observations ont procuré des dizaines de Terabytes (1012) de données.

Hubble est le meilleur ambassadeur de l’astronomie auprès du public !

Il est dirigé de mains de maître par les scientifiques du Space Telescope Science Institute (STScI) situé à Baltimore sur la côte Est des USA, son service de presse a un budget conséquent, il se force à publier fréquemment des premières ou grandes découvertes qui sont extrêmement populaires auprès du grand public : il nous parle de l’espace, du temps , bref de nos origines.

Signalons aussi que c’est un projet NASA/ESA.

http://hubblesite.org/
https://www.spacetelescope.org/ 
http://hubblesite.org/gallery/album/entire/

Hubble a participé à des grandes réussites telles que : mesure du taux d’expansion de l’Univers, la vue du HDF, l’évolution des galaxies etc..

En voici une liste non exhaustive :

  • L’album de Hubble.
  • Vue grand champ d’une partie du ciel (HDF).
  • Joue un rôle fondamental dans la découverte de l’énergie sombre et resserre la fourchette de l’âge de l’Univers entre 13 et 14 milliards d’années.
  • Les lentilles gravitationnelles et la matière noire.
  • Les proplyds et la naissance des étoiles.
  • Nébuleuses planétaires et la mort des étoiles.
  • Les super novae et quasars.
  • Trous noirs super massifs.
  • Collisions de galaxies.
  • Les sursauts gamma (GRB).
  • Planètes et découverte de comètes.
  • Découverte de planètes extra solaires.

Une des plus belles : La galaxie du Tourbillon (Whirlpool Galaxy) M 51.

Hubble a changé complètement notre vision de l’espace et c’est en cela qu’il est unique et qu’il rentrera dans les livres d’histoire. Mais il n’est pas éternel, aucune mission ne viendra plus (en principe) le réparer, Il faut donc penser à la suite… Ce sera le James Webb Space Telescope (JWST) qui doit être lancé en principe en 2021 !

Jean-Pierre Martin, président de la Commission de cosmologie

Dans le numéro de mai du magazine l’Astronomie, un dossier anniversaire, richement illustré, retrace cette incroyable aventure scientifique encore d’actualité.