Compte rendu de la conférence de la SAF du 18 mai 2018

LES SATELLITES NATURELS DES PLANÈTES : UNE VARIÉTÉ ÉTONNANTE 

Conférence donnée par Jean-Eudes ARLOT

Astronome IMCCE (Observatoire de Paris)

Le Système solaire renferme des astres divers, planètes, satellites, astéroïdes, comètes, météorites… Parmi ceux-ci, les satellites des planètes présentent des variétés étonnantes où l’on trouve des volcans actifs, des océans, des geysers… Mieux, l’observation de ces corps nous renseigne sur les planètes elles-mêmes et sur l’histoire du Système solaire. Enfin, ce sont les satellites de Jupiter qui, depuis 400 ans, nous ont appris à mieux connaître la Terre.

Les différents corps célestes
La définition des corps célestes de l’Union Astronomique Internationale (août 2006):
Les corps du système solaire :
– Les planètes (elles sont huit)
– Les satellites
– Les planètes naines (elles sont « rondes »)
– Les petits corps du système solaire (c’est le reste) : il n’y a plus de distinction entre comètes et astéroïdes.

Satellites
– Ils tournent autour d’une planète et le centre de gravité du système est à l’intérieur de la planète.
C’est le seul critère retenu. Ils sont très divers, de la taille d’une planète (Ganymède est plus gros que Mercure) à celle d’un caillou. Ne pas confondre avec les objets binaires quand le centre de gravité est en dehors du corps central (exemple : les astéroïdes binaires).
Dans le système solaire, il y a de nombreux satellites de planètes. Concernant Vénus, à la fin du XVIIe siècle, on a cru détecter un satellite (Cassini), mais un siècle plus tard, l’idée fut abandonnée.
En ce qui concerne notre belle planète, certains astéroïdes peuvent être capturés et deviennent provisoirement satellites de la Terre.
Ce fut le cas de l’astéroïde 3753 Cruithne qui accompagne notre planète autour du Soleil. C’est un corps de 5 km de diamètre et officiellement notre satellite ; on dit plutôt quasi-satellite. Il a été découvert en 1986.

Les satellites de Mars
En écrivant les voyages de Gulliver en 1727, J. Swift avait eu la prémonition que les Lilliputiens avaient connaissance de deux satellites de Mars dont les périodes n’étaient pas trop éloignées des vrais satellites. Mais c’est à Asaph Hall, qui avait étudié longuement la planète rouge (en 1877) que l’on doit la découverte de Phobos et Deimos. C’est la lunette de 66 cm de l’Observatoire de Washington qui permit cette découverte. Ils furent baptisés des noms de Deimos et de Phobos (la Terreur et la Crainte) qui sont les compagnons habituels du dieu de la guerre.
Ces deux lunes orbitent Mars très près de la surface. Phobos est en fait en dessous de la limite de Roche, ce qui veut dire qu’il s’écrasera un jour sur Mars.

Les satellites de Jupiter
Les satellites de Jupiter sont observés pour la première fois par Galilée avec sa lunette. Étape de pensée fondamentale pour l’époque : tout ne tourne pas autour de la Terre. Remise en cause des dogmes en vigueur ! Il note même les éclipses de ces différents satellites.
Galilée envisage même sérieusement de résoudre le problème crucial de la détermination de la longitude (particulièrement en mer) à l’aide de ces chronomètres que sont les éclipses de ces 4 satellites que l’on va bientôt appeler galiléens. Mais cette méthode s’avérera trop délicate à utiliser en mer (le problème sera résolu au XVIIIe siècle par John Harrison, un horloger britannique, qui y consacra sa vie et sa santé).
L’étude des satellites de Jupiter permit à Ole Römer d’évaluer pour la première fois la vitesse de la lumière à l’Observatoire de Paris en 1676. Au cours des siècles, les instruments se perfectionnent et les observations des occultations deviennent plus précises. On va même utiliser les occultations mutuelles entre satellites, beaucoup plus précises que les occultations avec Jupiter, car Jupiter est une planète gazeuse, et l’occultation n’est pas franche.
Si le nombre des satellites de Jupiter semble énorme, on a aussi mis au jour un groupe de satellites lointains ou extérieurs. Ils sont éloignés du plan équatorial de la planète, et sont répartis en deux groupes : un dans le sens direct, un dans le sens rétrograde. Les groupes sont :

  • Himalia environ 10 millions de km de Jupiter
  • Pasiphaé environ 20 millions de km (rétrograde).

Les missions spatiales Voyager, Galileo, Juno …nous ont fait découvrir le monde complexe des satellites de Jupiter et notamment un satellite très intéressant : Europe. Celui-ci émet des geysers d’eau chaude, indice de la présence d’eau liquide dans son intérieur sous la couche de glace.

Les satellites de Saturne
Peu de temps après que Galilée se soit intéressé à Jupiter sans comprendre les anneaux de Saturne, Jean-Dominique Cassini devient directeur de l’Observatoire de Paris qui se construit. Il s’intéresse particulièrement à Saturne. Puis c’est Huygens qui détecte Titan en 1655, le plus gros satellite de Saturne ; il a les meilleurs instruments de l’époque, c’est lui-même qui les fabrique.
Cassini découvre lui, bien plus tard (1671-72), Japet puis Rhéa et d’autres à l’occasion de l’équinoxe où les anneaux sont invisibles. À l’équinoxe suivante, il découvre Téthys et Dioné. C’est Cassini lui-même qui remarque une bande sombre dans les anneaux en 1675 qui va s’appeler la division de Cassini. Ce n’est qu’un siècle plus tard que W. Herschel découvre Encelade et Mimas ; les plus gros sont maintenant mis au jour.
Il faudra attendre l’ère spatiale pour augmenter le nombre de satellites de façon significative. Durant l’ère moderne, des phénomènes d’occultation d’étoiles mettent au jour l’atmosphère de méthane de Titan.
Mais là où on a recueilli le plus d’informations sur Saturne, Titan et les autres satellites, c’est lors de la mission Cassini. Une des grandes surprises a été l’émission de geysers d’eau chaude au pôle Sud d’Encelade par ces fameuses « griffures de tigre ».
On en a conclu que des forces de cisaillement mécaniques génèrent de la chaleur (transformation de l’énergie mécanique en chaleur ce qui se produit lorsqu’on frotte ses mains). Ces forces de cisaillement sont causées par les effets de marées dans la croûte d’Encelade qui sont particulièrement actives au Pôle Sud dans la région des «griffures de tigre».
Ces forces de cisaillement sont aussi activées par le fait que l’orbite est excentrique, si bien qu’elles ne sont pas constantes et que les « griffures » glissent les unes le long des autres périodiquement (de l’ordre du demi-mètre) laissant échapper ainsi la vapeur d’eau dans l’espace.
Il y aurait un océan d’eau liquide sous la surface qui se comporte comme un réservoir, un peu comme sur Terre, le lac Vostok en Antarctique.
L’eau et la poussière sont éjectées à travers ces puits vers la surface, la plupart des particules de glace n’atteignent pas la vitesse de libération (240m/s) et retombent sur le satellite. Seule 10% des particules d’eau s’échappent et vont ensemencer l’anneau E.
La sonde Cassini a découvert aussi une petite lune dans la division de Keeler (située à 250 km à l’intérieur de l’extrémité de l’anneau A). Cette division (à peine 35 km de large) contient en effet (comme c’est souvent le cas, par exemple Pan dans la division Encke) un satellite qui « nettoie » tout sur son passage (résonance), il a 7 km de diamètre approximativement et a été nommé Daphnis. De plus cette division est tellement petite que Daphnis perturbe les bords en y créant des « vagues » comme le ferait un hors-bord passant près d’un rivage. Ces effets gravitationnels sur ces bords devraient permettre de calculer sa masse d’après Carl Murray de l’Université Queen Mary de Londres, membre de l’équipe d’imagerie. Cela permettra aussi d’évaluer sa compacité, est-il poreux ou compact, ce qui serait une indication sur sa formation.

La formation des anneaux et des satellites
Les anneaux (de 70.000 km à 140.000 km de la planète) sont extrêmement fins (quelques dizaines de m). À l’extérieur des anneaux, on compte un grand nombre de petits et moyens satellites. Il semble que ces petits satellites (beaucoup sont très brillants) soient plus jeunes que ce que l’on pensait.
Des simulations numériques ont aidé à bâtir un modèle où des satellites se forment à partir de la condensation des anneaux. Ce serait des « bouts d’anneau » qui se sont condensés (ces « bouts » dépassent la limite de Roche) il y a quelques millions ou dizaines de millions d’années.

Les satellites d’Uranus
C’est William Herschel qui découvre les deux plus gros, Titania et Oberon, en 1787, les autres en partie par Lassel (Ariel et Umbriel) et Kuiper (Miranda). D’autres seront découverts par Hubble et par les sondes spatiales. Ces satellites sont difficiles à observer de la Terre. Uranus possède aussi un système d’anneaux, moins élaborés certes que ceux de Saturne. Ils ont été découverts en 1977 et plus tard par Hubble, Voyager.

Les satellites de Neptune
Comme les trois autres planètes gazeuses, Neptune possède anneaux et satellites. Triton, le gros satellite, a été découvert en 1846 par W. Lassel. Les autres satellites sont beaucoup plus petits.
On se souvient que les anneaux de Neptune ont été découvert par le regretté André Brahic avant le passage de Voyager. Ils s’appellent Liberté, Égalité, Fraternité, mais pas de chance : peu après, Cécile Ferrari découvre un quatrième, ce sera Courage!
Notre conférencier termine en disant quelques mots de Pluton et la mission New Horizons.
 
Cet article est basé sur le compte rendu détaillé de Jean-Pierre Martin, disponible  ICI