Compte rendu de la conférence de la SAF du 8 mars 2017

CHRONOLOGIE DE LA FORMATION DU SYSTÈME SOLAIRE

MChaussidonConférence donnée par Marc Chaussidon
Directeur de l’IPGP (Institut de Physique du Globe de Paris)

  • Résumé de son intervention :

Les derniers progrès concernant l’étude des concentrations des isotopes radioactifs à courte période dans les composants des météorites primitives permettent de reconstruire une chronologie de la formation des premiers solides et des premières planètes dans le système solaire.

De nombreuses questions se posent à propos de notre système solaire :

  • Dans quel environnement astrophysique est né le système solaire?
  • Quels sont les processus responsables de la formation des premiers solides?
  • À quelle vitesse se sont déroulés ces processus?

La réponse est contenue dans les météorites primitives comme les chondrites carbonées.

Plusieurs sources d’information permettent de comprendre la formation de notre système solaire :

  • Les fossiles de la formation que sont les chondrites carbonées
  • L’observation de la formation des jeunes étoiles. Il y a peu de temps pour fabriquer les planètes car la poussière disparaît au bout d’environ 5 Ma. Séquence de formation des planètes : Poussières et gaz   planétésimaux     planètesLes météorites primitives (chondrites carbonées) se rapprochent le plus des planétésimaux d’origine d’où leur intérêt pour étudier cette période du système solaire.
    Elles contiennent des chondres, petites billes de silicates créées lors de la condensation de la nébuleuse et  ont subi peu de transformation car elles n’ont pas été refondues par le Soleil, conservant ainsi leur composition d’origine.

    Près du Soleil, seuls des composés, dits réfractaires, peuvent se former à une température de condensation supérieure à 1400K environ. Ils vont être la base des CAI (Calcium-Aluminium rich inclusions),  éléments les plus vieux du système solaire. Certaines chondrites contiennent ces inclusions riches en Ca et Al réfractaires. Leur datation permet de dater précisément le système solaire à 4,567 Ga.
    Les chondres se sont formés quelques millions d’années plus tard, à plus basse température, puis les chondrites elles-mêmes par accrétion des précédents.

    L’étude des chondrites primitives est fondamentale pour étudier les étapes du début de la formation du système solaire. Une des plus célèbres chondrites est celle d’Allende (Mexique, 1969) dont la composition chimique est la même que celle du Soleil.

    De nombreuses questions se posent à ce stade :

  • Quand et à quelle vitesse les composants des chondrites (chondres et CAI) se sont formés ?
  • Quand la chondrite elle-même (la matrice) s’est formée ?
  • Est-elle un sédiment de la première génération fabriquée à partir de la poussière directement prise de la nébuleuse, ou de la seconde génération fait de fragments de planétésimaux existants ?
  • Quand les premières planètes se sont formées ?
  • Comment des époques et âges sont-ils cohérents avec ce que l’on observe sur les jeunes étoiles du même type que notre Soleil ?La chronologie radiométrique va permettre de dater finement tous les épisodes d’accrétion.Principe : un élément radioactif (père) se désintègre au cours du temps pour aboutir à un élément stable (fils). En mesurant la valeur du rapport isotopique entre père et fils, on pourra estimer directement le temps écoulé depuis la formation du père. Bien évidemment, la période de désintégration radioactive doit être adaptée au temps que l’on cherche à déterminer.Pour dater des météorites qui ont l’âge du système solaire, il faut des chronomètres plus longs comme les méthodes K/Ca ou Rb/Sr par exemple.Autre moyen de dater ces chondrites : la méthode radioactive basée sur les radioactivités dites éteintes, notamment l’Aluminium-26. Cette méthode permet des mesures plus fines et plus adaptées aux séquences à étudier. Notre système solaire a 4,567 Ga, ce qui nécessite une “horloge” radioactive dont la période (temps au bout duquel 50% de la matière s’est transformée) est de l’ordre du million d’années.
    La période de l’isotope 26 de l’Aluminium est un bon chronomètre (0,73 Ma). Il se désintègre en Magnesium-26. Demi-vie : 730.000 ans, donc on est sûr qu’il n’en reste plus à notre époque.

    Les chondres sont apparus quelques 2 Ma après les CAI.
    Question essentielle : d’où vient l’Aluminium-26 qui n’existe plus depuis longtemps? Sa durée de vie étant extrêmement courte, il a été produit peu avant la formation du système solaire, sinon il aurait disparu dans les chondrites. Il proviendrait d’une supernova ayant explosé et introduit l’Aluminium-26 dans le nuage pré-solaire naissant, mélangé à cette époque avec le gaz et la poussière pendant moins de 10.000 ans.

    Les différents relevés radiométriques donnent une indication sur l’évolution dans le temps de la formation. Les CAI sont apparus au bout de 10.000 ans puis les chondres, ce qui a permis aux planètes de se former plus tôt que ce que l’on pensait.

    Il existe aussi d’autres mesures isotopiques, comme le Hf/W (hafnium/tungstène). Ce type de mesure est intéressant surtout pour les éléments contenant du Fer, le Hafnium-182 étant lithophile alors que sa descendance, le Tungstène-182, est sidérophile. Période : 8,9 Ma. Le Tungstène-184 est stable.
    Ils vont permettre de détecter les corps déjà différenciés, ceux où le Fer forme un noyau central.

    D’après ces différentes mesures on est capable de dire que les noyaux planétaires (des planètes telluriques) se sont formés au bout de 2,5 Ma environ et les planètes complètement formées au bout de 100 Ma maximum. On pense que l’accrétion s’est produite un peu après la phase des CAI.

    Grâce à cette méthode de datation, on peut accéder au noyau de la Terre en mesurant la teneur en Tungstène-182 du manteau. Manteau terrestre et chondrites sont similaires. Sans ces météorites ferriques ou mixtes, nous serions incapables d’analyser l’intérieur d’objets différentiés de nature variée.

    De la même façon, on a pu déterminer l’âge de la formation de Mars qui n’est pas une planète comme la Terre : c’est un embryon de planète qui n’a pas évolué, qui s’est formée rapidement, en environ 2 Ma alors que la Terre a nécessité 50 à 100 Ma.

    En conclusion :

    La présence des radioactivités éteintes démontre la grande rapidité avec laquelle les premiers solides ont été produits dans le disque d’accrétion, mais les implications plus fines en terme de chronologie restent encore très ouvertes

    La chronologie à laquelle on pense est la suivante :

  • Création des inclusions CAI
  • Formation des chondres
  • Formation des chondrites en agglutinant les chondres et les inclusionsCes étapes se seraient produites en seulement quelques millions d’années.
  • Les chondres se sont formées en moins de 3 Ma.
  • L’étape embryon a duré quelques millions d’années seulement.
  • La différentiation qui a suivi a peut-être duré seulement 30 Ma

Un compte-rendu plus détaillé est disponible ICI